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conseil de l’empire, la concession du suffrage universel ; en échange de ces précieux gages, donner une dignité qui n’est qu’un mot, conférer cette dignité au roi de. Prusse dans des conditions telles qu’il ne puisse pas l’accepter, l’obliger enfin à rejeter décidément la constitution et par là soulever l’Allemagne entière, telle a été la victorieuse tactique de la gauche dans cette mémorable campagne. L’aveuglement des unitaires faisait sans doute la partie belle aux négociateurs ; avouez cependant que le parti radical a bien mis à profit la fastueuse ambition de ses ennemis, avouez qu’il les a battus à plaisir, battus comme des écoliers. Qui fera sonner les cloches à l’heure qu’il est ? Les choses en ont venues à un tel point que l’ancienne majorité libérale n’a plus le choix de sa conduite ; d’un côté est une réaction triomphante qui s’exprime par l’organe de l’Autriche, qui a derrière soi la Russie, et qui déjà effraie ou convertit la Prusse ; de l’autre est le parti démagogique, disposant seul des grands moyens de résistance et prêt à pousser les libéraux dans les voies sanglantes de l’insurrection.

Entre ces deux écueils, entre la droite et la gauche de l’assemblée, l’ancienne majorité libérale essaya quelque temps de maintenir sa ligne, ou plutôt elle alla tour à tour de l’un à l’autre auxiliaire, inclinant bien plus ; comme on pense ; du côté où se trouvait, en apparence du moins, la défense de la constitution et du parlement national. Le premier fruit que retira la gauche de cette effervescence des esprits fut la création d’un comité de trente membres chargés de faire un rapport sur la situation et de proposer des moyens de salut. Ce comité de salut public fut composé de quinze membres de la gauche et de quinze membres du parti impérial (Erbkraiserthums Partei). Quoiqu’elle fût en minorité dans le parlement, la gauche, au sein du comité, traitait donc d’égale à égale avec les centres. La force même d’une situation révolutionnaire avait arraché aux libéraux cette concession nouvelle. Ce n’est pas assez dire : les radicaux avaient décidément la majorité dans la commission ; sur les quinze membres du parti impérial, il y en avait cinq au moins qui, favorables sans doute à la création d’un empire, appartenaient néanmoins au centre gauche et devaient bientôt voter avec les démagogues. Ainsi dix voix seulement, parmi lesquelles M. Welcker, M Waitz, M. Droysen, représentaient les modérés dans la commission ; parmi les vingt membres de la gauche, on remarquait M. Vogt, M. Froebel, M. Eisenstuck, M. Wydenbrugk, M. Raveaux et M. Simon (de Trèves).

Tandis que le comité des trente, préparait son rapport, la seconde chambre prussienne sous l’impétueuse action des chefs de la gauche, engagea brusquement la lutte et précipita les événemens. L’agitation révolutionnaire de la Prusse venait en aide à l’agitation de Francfort ; le signal parti du comité des trente était entendu d’abord à Berlin avant