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des forces à chaque nouvelle émeute. Ce n’était pas assez de cette affreuse insurrection de Dresde qui ensanglanta les derniers jours du parlement ; il fallut que le parlement, au moment de se dissoudre, laissât pour héritage les désordres du Palatinat et cette ridicule république badoise qui bouleversa pendant six semaines les plus belles, les plus riantes, les plus heureuses contrées des bords du Rhin. Ainsi l’absolutisme se relève de jour en jour ; au sud les fantaisies républicaines, au nord les sauvages entreprises du communisme, lui rendent peu à peu ce que lui avait enlevé le légitime travail de la raison publique, la foi des peuples s’ébranle, le dégoût des révolutions amène le dégoût des réformes ; en un mot, si les cabinets n’obéissent pas aux conseils de la prudence, si les sérieux chefs du parti constitutionnel ne reprennent pas courage et ne maintiennent pas leurs conquêtes, l’école féodale et piétiste que soutient la Russie serait bientôt assez puissante pour anéantir toutes les libertés de l’Allemagne.

Les causes de cette déroute ne sont que trop évidentes. Le premier tort de l’assemblée fut de proclamer sa souveraineté absolue ; dans l’état où se trouvait l’Allemagne, il n’était pas permis à une assemblée, quelle qu’elle fût, de compter sur l’unanime assentiment des peuples, il ne lui était pas permis de supprimer ces royautés, restées debout malgré tant de commotions violentes, et de ne pas traiter avec elles : L’homme le plus éminent de l’église Saint-Paul, celui qui a dirigé long-temps ses délibérations avec une dignité si haute, M. de Gagern, n’a jamais eu de doctrine bien arrêtée sur ce point. Son instinct politique l’avertissait sans doute que le concours des gouvernemens et des députés de la nation pouvait seul donner une base durable à la constitution du futur empire ; mais ce mot de souveraineté nationale, ce vague espoir de régénérer l’Allemagne avec le seul secours des peuples allemands, tout cela l’éblouissait : une fois engagé dans cette route, les entraînemens se succèdent, et l’on ne s’arrête plus. Un homme bien plus avancé que M. de Gagern, un orateur dont le dévouement libéral n’est pas suspect, M. Welcker dès les premières séances de l’assemblée des notables, avait bien compris toute l’importance de cette union entre le parlement et le parlement et les divers cabinets constitutionnels. Cette opinion, il l’a défendue avec un intrépide courage en face des démagogues irrités ; il y est revenu maintes fois, il a fait entendre les plus énergiques avertissemens ; puis un an après, dans les derniers mois du parlement, emporté lui-même par la lutte, il s’est joint à ceux qui proclamaient le droit souverain de l’assemblée, tant ce désir de l’unité allemande passionnait les intelligences les plus nettes et les jetait hors de leur voie ! C’est là, en effet, le second tort du parlement, c’est la passion de l’unité, passion aveugle, impatiente, intraitable. À cette unité, objet de si ardentes convoitises, les doctrinaires prussiens auraient tout sacrifié ;