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homme de gouvernement, il redoutait leurs entreprises politiques. Il voulut comprimer le puritanisme et le débordement de sectes qu’il traînait après lui. Il le combattit par la force que le pouvoir politique mettait dans ses mains ; mais il y a des temps où l’on ne fait que grossir et irriter l’esprit de révolte, en travaillant à le contenir. Laud vivait dans une de ces crises. Il souleva contre lui-même, contre l’église d’Angleterre et contre Charles Ier toutes les fureurs du fanatisme. Il fut une de ses premières victimes. Sa mort, sublime d’héroïsme chrétien, commande l’admiration à ceux qui lui reprochent le plus amèrement ses fautes.

Le grand homme du parti de Charles Ier était Strafford. I avait débuté sous le nom de sir Thomas Wentworth dans la cause populaire. Il passa bientôt du côté du roi. Il y a des natures, des caractères, des tempéramens qui ne sont propres qu’à l’opposition, à la résistance, à la révolte ; il y a des hommes qui, du poids de leur génie et par élan de naissance, ne peuvent aller qu’à l’autorité, au pouvoir : tel était Strafford. On le sent rien qu’à voir le portrait de ce : vaillant homme. Vous vous feriez de lui une fausse idée par le tableau populaire de M. Delaroche, qui nous le montre le front dépouillé et incliné sous la main bénissante de Laud. Le vrai Strafford est le Strafford de Van Dyck. Celui-là avance sa tête intrépide au-dessus de son armure brunie. Ses cheveux se tordent vigoureusement sur son large front, creusé aux tempes par les desseins énergiques. Ses grands yeux lancent ces flammes de bonne humeur intérieure qu’allument le courage et la conscience de la force. Ses moustaches à quatre crocs, se dressent et ondulent avec un air de défi. Il a le menton proéminent des dominateurs, et sur tout cela un rayonnement de bonne grace, un parfum de chevalerie. Voilà bien l’homme qui aimait à tenir tête à l’orage, l’homme qui, employant lui-même le mot français, disait qu’il fallait « tenir raide, » l’homme du thorough, autrement dit de la politique à outrance. Lorsque Charles Ier essaya de gouverner sans parlement, il mit Strafford à la tête de l’ingouvernable Iralande. Strafford y fit des prodiges. La durée de sa vice-royauté est peut-être la seule époque où l’Irlande ait eu quelque repos. Strafford gouverna en despote ; mais, à la manière de son grand contemporain Richelieu, il n’opprima que les oppresseurs du peuple. Il ranima le commerce et l’industrie, il organisa une armée disciplinée, il accrut d’une façon prodigieuse, sans exaction et par sa seule habileté, les revenus de la couronne. Il donna du reste un tel éclat à son autorité, qu’un voyageur écrivait qu’il n’avait vu en Europe qu’une seule cour, celle du vice-roi de Naples, qui put le disputer en magnificence et en galanterie à la cour de Dublin.

Lorsque le long parlement fut convoqué, Strafford était dans le nord de l’Angleterre, et, ramassant les troupes du roi, déjà, par son énergie