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l’oses. Sinon je te cravacherai partout où je te rencontrerai. » Bagot ne manqua pas au rendez-vous, battit ce malotru, et peu s’en fallut qu’il ne le fît prisonnier.

Durant toute la guerre, la conduite personnelle de Charles Ier fut noble et généreuse. Il fut souvent sur le champ de bataille. À la dernière bataille de Naseby, il se serait fait tuer, si quelques-uns de ses serviteurs n’eussent arrêté son cheval par la bride : aussi bien Cromwell avait déjà dit, au scandale même d’un grand nombre de révolutionnaires, que, s’il rencontrait Charles au combat, il lui déchargerait son pistolet dans la tête comme au premier venu. À la bataille d’Edgehill la première que livra son armée, Charles, avant l’action, passa au front de ses troupes dans une brillanté armure et leur adressa ces belles et confiantes paroles. « Si ce jour nous est prospère, nous serons tous heureux d’une glorieuse victoire. Votre roi est à la fois votre cause, votre querelle et votre capitaine. L’ennemi est en vue. Faites voir vous-mêmes que vous n’êtes pas un parti malignant, et montrez avec vos épées ce que vous avez en vous de courage et de fidélité. J’ai écrit et déclaré que j’entends toujours maintenir et défendre la religion protestante, les droits et privilèges du parlement et la liberté du sujet, et maintenant je vais prouver mes paroles par l’argument de l’épée. Que le ciel montre sa puissance par la victoire de ce jour et me déclare juste et,’autant que roi légitime, roi aimant pour mes sujets. Le meilleur encouragement que je vous puisse donner est celui-ci : Que vienne la vie ou la mort, votre roi vous tiendra compagnie et toujours gardera ce champ, cette place et le service de ce jour dans son reconnaissant souvenir. » Malheureux roi ! la première année de la guerre civile lui fut favorable : il espérait rentrer dans la plénitude de son autorité royale, et il appréhendait en quelque sorte sa victoire. « J’avais peur, a-t-il écrit dans l’Icon Basilicon, de la tentation d’une conquête absolue, et je n’ai jamais demandé la victoire sur mes ennemis avec plus de ferveur que la victoire sur moi-même. La première m’a été refusée et la seconde accordée ; Dieu a vu que c’était le meilleur pour mois. » Pendant ces années agitées, il passait tour à tour, suivant la mobilité de son ame indécise, de la confiance à l’abattement, du désespoir à une foi superstitieuse. Parfois il lisait de funestes présages dans de futiles circonstances. Un jour qu’à Oxford, dans la ville de la religion et de la science, il s’abandonnait, avec lord Falkland, à une de ces flâneries littéraires qui étaient leurs délices à tous deux, il eut l’idée de chercher son horoscope dans Virgile, de consulter les Sortes Virgilianœ. En ouvrant l’Énéide, il tomba sur l’imprécation de Didon.

At bello audacis populi vexatus et armis,
Finibus extorris ; complexu avulsus Juli,
Auxilium imploret, videatque indigna suorum