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L’homme qui a montré, après Emerson et Fenimore Cooper, le plus d’originalité et d’initiative, littéraire, est Halliburton, habitant de la nouvelle-Écosse. Là, il n’a absolument rien qui sente l’Européen ; tout est américain. Il y a sans doute plus d’un Samuel Slick en Europe et dans l’industrie européenne, il y a aussi en Europe des sectes, des prêtres cupides et avares, des hypocrites ; mais rien de tout cela ne ressemble aux personnages et aux scènes dessinés par Halliburton. Samuel Slick est le point de jonction de deux mondes, il réunit en lui le sauvage et le civilisé ; ce n’est pas un sauvage, il n’en a pas la naïveté et la poésie, mais il en a la finesse, la ruse ; ce n’est pas un homme civilisé, il n’en a pas l’élégance, mais il porte l’habit de la civilisation. Il tient d’elle ses scrupules de légalité, d’honnêteté apparente dans ses expédiens, sa logique de conduite au milieu de se pérégrinations sans fin ; bref, il est nomade comme le sauvage et n’est nulle part un étranger. Il y aurait un curieux rapprochement à faire pour montrer à ceux qui exaltent la nature humaine et à ceux qui la dénigrent comment les mêmes élémens, selon qu’ils sont contenus et dirigés, peuvent travailler dans un sens différent pour le bien ou pour le mal, comment la civilisation des États-Unis s’élève et grandit avec les élémens au milieu desquels l’Europe étouffe et agonise, l’âpreté du gain, le désir des jouissances, la rage industrielle. On n’aurait qu’à comparer le spirituel le brillant, le rusé Samuel Slick avec l’affreux Robert Macaire, deux types contemporains, l’un appartenant à une jeune civilisation, l’autre à un peuple vieilli et blasé. Halliburton est l’écrivain le plus original de l’Amérique et celui qui a le moins de prétentions littéraires[1]. Les prétentions littéraires ont toujours gâté la spontanéité de l’esprit et la réalité des observations.

M. Henri Longfellow a, au contraire, de grandes prétentions, et il est en effet, après Washington Irving, l’écrivain qui a le plus de culture littéraire. On remarque çà et là, dans ses livres, de jolis détails trop souvent noyés dans de mélancoliques puérilités. Ce qui lui manque complètement, c’est la concentration, l’énergie. Pour donner une idée de cette poésie, nous choisirons la pièce la plus virile que nous ayons pu trouver dans ses nombreux recueils.


PSAUME DE LA VIE.
Ce que le cœur du jeune homme répond au psalmiste

« Ne me dis pas sur un rhythme gémissant : La vie n’est qu’un vain rêve ; l’ame qui sommeille est une ame morte, car les choses ne sont point ce qu’elles nous paraissent.

  1. Voyez, sur Halliburton, l’article de M. Chasles dans la livraison du 15 avril 1841