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cavalier agitant son burnous. — M’est avis, dit le plus vieux des Rhomsi, qu’il faut voir nos fusils, puis marcher dans la direction du douar. Si ce sont des Ouled-Rhelif, nous sommes perdus : ils nous ont aperçus ; si ce sont des Harars, ils auront moins de chemin pour venir au-devant de nous et nous faire bon accueil. — Et les Rhomsi marchèrent en avant. Bientôt de nombreux cavaliers accoururent vers eux. La prudence exigeait en effet qu’on se préparât au combat. Et comme le cheval de l’un d’eux, nommé Rhaled, avait mieux supporté la fatigue : — Allons, monseigneur, dit Rhaled au vieillard son père, montez sur ce cheval qui tient encore, afin qu’il ne soit pas dit qu’un Rhomsi soit mort pied à terre comme un berger. – Ces cavaliers, heureusement, c’étaient des amis, des gens de l’un des caïds des Harars, Mohamed-Legras, qui venaient au-devant de leurs hôtes.

Vous pouvez juger à ce trait de la fierté des Rhomsi ; leur orgueil hospitalier n’est pas moins grand, et un jour où, assis sous leur tente, nous causions : — C’est que, vois-tu, me dit l’un d’eau, jamais hôte descendu dans la tente des Rhomsi n’en est sorti, ni le lendemain, ni le surlendemain, ni huit jours après, lui et son cheval, le ventre vide.

Au mois de mars 1847, les escadrons du 4e chasseurs dont je faisais partie se trouvaient en observation non loin du douar des Rhomsi ; nous étions, du reste, dans la paix la plus profonde, et sitôt que les devoirs du service nous laissaient libres, nos journées se passaient à la chasse. Rhaled nous accompagnait souvent, et, un soir que nous rentrions avec lui, il nous dit qu’il venait de recevoir des nouvelles de l’un de ses amis des Harars, dont les douars s’étaient établis à quelques lieues de là. Mohamed, ajoutait-il, avait les plus beaux lévriers et les meilleurs faucons de la tribu ; si nous le voulions, il nous proposait d’aller avec lui à une grande chasse, qui devait avoir lieu deux jours plus tard. L’occasion était trop belle pour ne pas en profiter ; aussi, après nous être mis en règle avec notre capitaine, nous nous empressâmes d’accepter l’offre de Rhaled, et, le surlendemain, au point du jour, nous prenions la direction du douar.

Les taleb (savans) appellent seheur ce moment presque insaisissable qui précède le point du jour, où la nuit n’est plus la nuit, où le jour n’est pas encore le jour ; l’époque du rhamadan, dès que l’on peut distinguer un fil blanc d’un fil noir, l’abstinence est de rigueur pour tout bon musulman ; le seheur précède cet instant, et il est plus facilement appréciable dans les pays d’un horizon étendu : de là, au dire des savans, le nom de Sahara donné à cette région des hauts plateaux qui suit le Tell, dont l’étymologie ne serait pas non plus le mot latin tellus, mais le mot arabe tali, qui veut dire dernière, parce que le seheur ne s’y aperçoit que plus tard. Quoi qu’il en soit de ces étymologies, pour nous le Tell est la terre qui produit le grain, et le Sahara la terre