Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 4.djvu/563

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cela ne se peut que si nous sommes décidés à faire ce qu’il veut, ou s’il est décidé à faire ce que nous voulons. Or, les choses n’en sont pas là. D’où nous qu’aussitôt que nous aurons assuré les effets de l’amnistie, nous n’avons rien de mieux à faire que de retirer notre armée de Rome, en continuant d’occuper pendant un certain temps Civita-Vecchia. Avoir notre armée à Rome, c’est prendre sur nous la charge de gouverner les états romains : ce n’est pas là le but de notre expédition ; c’est, de plus, entraver et paralyser le gouvernement du pape ; notre expédition a eu le contraire pour but. Il faut donc retirer notre armée de Rome, où elle s’ennuie de faire la police contre tout le monde, exagérés de droite et exagérés de gauche ; mais, comme il y a pour nous en Italie et dans les états romains une question d’influence politique, comme nous ne pouvons pas abandonner l’Italie centrale à la suprématie de l’Autriche, c’est pour cela que nous demandons à occuper Civita-Vecchia jusqu’à l’évacuation d’Ancône et de Bologne par les Autrichiens. De cette manière, nous serons toujours en jeu en Italie, et ç’a été là de tout temps la politique de la France en Italie. Elle la défend et la garantit depuis qu’elle ne l’envahit plus.

Dans cette discussion des affaires de Rome, M. Thiers n’a pas pris la parole ; mais il a démenti, en y risquant sa vie, un mot qu’on lui prêtait contre le président. Dirons-nous ce qu’à la nouvelle du duel de M. Thiers il y a eu d’émotion dans les cœurs de tous les bons citoyens ? Dirons-nous ce que l’idée du danger public, mêlé au danger d’un homme comme M. Thiers, a fait ressentir d’appréhension et de tristesse à tous les amis du pays, même en apprenant que la rencontre n’avait pas eu d’issue fatale ? Heureux les hommes qui ont mérité qui méritent chaque jour davantage que leurs périls deviennent des alarmes publiques !

Nous n’avons pas parlé jusqu’ici du discours de M. de Montalembert, qui a été l’événement de cette discussion. M. de Montalembert nous semble prédestiné à combattre la démagogie et à lui dire les plus dures et les plus poignantes vérités, à les lui dire la veille comme le lendemain, et à les lui dire avec une éloquence qui réussit aussi bien devant l’auditoire d’élite de l’ancienne chambre des pairs que devant l’auditoire mêlé et tumultueux de l’assemblée constituante ou de l’assemblée législative. Nous nous souvenons encore de son éloquente invective contre la démagogie suisse, quelques jours avant la révolution de février. C’était dans la Suisse que la démagogie faisait ses premières armes, et M. de Montalembert, la voyant s’avancer sur nous, prédisait à la pairie d’abord, à la propriété ensuite, le sort qui l’attendait, si la démagogie l’emportait. Quinze jours après, la prédiction se vérifiait tristement, et les ouvriers de M. Louis Blanc venaient siéger sur les bancs de la pairie abattue. Si M. de Montalembert combat la démagogie avec une admirable énergie, ce n’est pas, nous nous hâtons de le dire, parce que M. de Montalembert est un ancien pair de France, c’est parce qu’il aime la liberté d’un amour que rien ne peut affaiblir ; mais l’horrible fantôme qui remplace la liberté, et prétend en hériter après l’avoir assassinée, la démagogie enfin, voila ce que M. de Montalembert déteste d’une haine que rien non plus ne peut détruire. Un écrivain du XVIIIe siècle a remarqué fort justement que « la pre-