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pas se rendre un compte sincère de la valeur politique, commerciale et militaire de Mayotte ? Autrefois, quand le canal de Mozambique était la route principale du commerce de l’Inde, Mayotte située au milieu de ce détroit, l’eût dominé ; mais aujourd’hui un petit nombre seulement de navires prennent cette route : le commerce a déplacé ses voies et les a portées bien loin dans l’est ; Mayotte en est à trente-cinq jours de navigation, et quelle navigation ! dans une mer dure où l’on risque à chaque instant de faire des avaries.

Excellent point de refuge, Mayotte, pour l’attaque, est impuissante. Ah ! si elle s’élevait comme Bourbon en face de l’Ile de France ! Mais, jetée en dehors de la grande route des nations, elle ne peut avoir de valeur que dans la sphère étroite dont Madagascar et la côte orientale de l’Afrique forment l’enceinte. Si du moins nous pouvions concentrer le commerce de ces parages, le monopoliser à notre profit, faire de Mayotte un entrepôt général ! Malheureusement ce commerce se trouve déjà aux mains des Arabes, dont l’imaûm de Mascate, sultan de Zanzibar et du littoral jusqu’au détroit de Bab-el-Mandeh, est le chef titulaire ; il est aux mains des Portugais, souverains de Sofala. Mozambique et autres lieux, qui repoussent de leurs ports notre pavillon ; il est aux mains des Anglais, maîtres du cap de Bonne-Espérance jusqu’à la frontière portugaise, et qui, par esprit national, par rivalité intéressée, se ligueraient pour nous entraver ; il est enfin aux mains des Américains, nos maîtres dans l’art des spéculations et dans les secrets du négoce. Et nous prétendrions nous substituer à ces rois des mers de l’Inde ! Que nous reste-t-il donc ? — L’exploitation agricole de Mayotte ? — Mayotte n’a que 30,000 hectares de superficie : c’est tout au plus l’espace que couvrent, à elles seules les forêts de Sainte-Marie ; sa surface est hérissée de pics et de montagnes, les volcans l’ont sillonnée en tous sens ; là, pas de grandes plaines, pas de grands plateaux où l’on puisse fonder des exploitations coloniales importantes, à l’exception peut-être d’une langue de terre de quelques kilomètres qui forme la presqu’île de Choa, en face de Zaoudzi ; point de grands cours d’eau ; çà et là seulement quelques vallons fertiles, de petits ruisseaux qui se perdent bientôt dans les sables du rivage. — Les hauteurs sont couvertes d’épaisses herbes et d’arbustes rabougris ; une seule forêt nourrit de grands arbres, au pied du pic d’Ouchangui, dans le sud de l’île ; encore est-elle ruinée par les habitans qui l’ont dévastée pour construire leurs pirogues et leurs boutres. La terre n’est point exubérante ; vous y chercheriez en vain ce sol riche et puissant du littoral de Madagascar, dont le moindre labeur fait sortir en abondance et la nourriture de ses travailleurs et des produits nombreux pour l’exportation. La population, clairsemée, livrée à tous les vices de la paresse