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fidèle aux traditions du siècle dernier, dénigre tous les objets du respect, si la philosophie est vague ou sceptique, n’allez-vous pas leur inoculer vous-mêmes le mal dont vous voulez les préserver ? Hélas ! c’est le malheur d’arriver au milieu d’une longue décadence que tout vous manque à la fois sous la main. On est comme un malade à l’agonie dont les organes usés ne supportent plus même la potion médicinale. Il est, dans notre état social épuisé, des plaies si vives, qu’on craint de les envenimer en les sondant. Le moindre pansement peut les irriter. On ne peut pourtant pas les laisser gagner jusqu’au cœur. Nous croyons qu’une administration supérieure de l’enseignement public qui se proposerait, non pas, comme on l’a fait trop souvent, d’exalter sans mesure ou de calomnier sans ménagement l’Université, mais d’honorer le bien pour l’encourager et de réprimer le mal, trouverait abondamment, dans le sein de ce grand corps, de quoi former, sur huit ou dix points de la France, des centres intellectuels puissans, où l’étude pourrait recevoir tout son développement, sans que cette expansion ébranlât les fondemens des croyances et de la morale. La Sorbonne retentit encore de l’écho de la voix brillante qui, la première a jugé Voltaire et réhabilité saint Augustin. La poésie des sentimens domestiques n’a jamais trouvé d’accens plus pénétrans que dans la chaire de M. Saint-Marc Girardin. Dans les écrits de M. Nisard, la grande autorité de Bossuet fait encore, à distance et à travers le tombeau, pâlir l’incrédulité. Un corps d’où s’échappent de telles leçons ne demande qu’à être ramené à son véritable point d’équilibre, pour suffire à tous les besoins d’un enseignement public supérieur. D’ailleurs, il ne faut pas l’oublier, le mode d’enseignement dans les facultés doit différer essentiellement de celui des collèges. Dans les collèges, on n’entend qu’un seul professeur ; il parle avec autorité, il impose son opinion sans la discuter ; il faut la lui rapporter par écrit telle qu’il l’a émise. La soumission implicite de l’élève est nécessaire ; son, âge et la discipline des établissemens d’éducation secondaire ne se prêteraient pas à la moindre contradiction. Dans des facultés bien organisées, il en serait tout autrement. Comme c’est déjà le cas dans les écoles de droit et de médecine, plusieurs professeurs feraient concurremment le même cours. L’élève, déjà plus formé, pourrait se décider entre eux suivant sa préférence ; il n’aurait même aucun devoir d’embrasser ou de partager les opinions de son maître ; son assiduité seule serait obligatoire, son jugement resterait pleinement libre. Nous n’aurions plus alors (et ce n’est point un des moindres avantages de la constitution d’un enseignement supérieur), nous n’aurions pas ce spectacle qui a soulevé une opposition légitime, celui d’une philosophie dont le libre examen est le principe, enseignée avec autorité à des enfans de seize ans par l’entremise d’autres jeunes gens de vingt-cinq. Aucune entreprise, disons-le en passant, ne fut jamais ni moins philosophique ni moins libérale. La discussion,