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Nous ne nous arrêterons pas à discuter une pareille question, qui est en ce moment résolue. Nous dirons seulement que, si on peut professer l’une ou l’autre des opinions contraires sur la convenance et l’utilité de la concession des grandes voies publiques, on ne peut avoir qu’une opinion sur le respect dû aux engagemens contractés, et qu’après tout les compagnies financières dont il s’agit ont pour objet unique d’offrir des moyens de crédit appliqués à la création de grands travaux. Or, le gouvernement provisoire n’était pas si bien pourvu de ressources de ce genre, qu’il lui fût permis de négliger celles-là même qu’il trouvait sous sa main. Toujours est-il que ces projets de rachat, annoncés avec tant d’éclat, paralysaient entre les mains du gouvernement son droit de stimuler l’activité des compagnies, et suspendaient nécessairement pour les actionnaires l’exigibilité de leurs versemens.

Tous les travaux se trouvaient ainsi ralentis, alors qu’il eût été désirable à tous égards de leur donner la plus vive impulsion. En même temps, dans la circulaire d’installation qu’il adressait aux ingénieurs, le ministre des travaux publics disait : « Pris en eux-mêmes, les travaux publics ne sont légitimes qu’à deux conditions, utilité publique dans l’établissement, et, dans l’exécution, une activité tout à la fois intelligente, économe et probe. — L’utilité a été jusqu’ici trop méconnue ; elle ne doit pas l’être. En cette matière, comme en matière de finances, le passé pèse et pèsera long-temps encore sur la république. Le gouvernement déchu nous a légué des travaux qui attestent avec quelle prodigalité compromettante pour le trésor, ce gouvernement sacrifiait à ses intérêts politiques les intérêts sérieux de l’état. J’ai les yeux ouverts sur ces abus, et j’ai la ferme volonté de les réprimer, en mettant autant que cela sera possible, un terme à des dépenses inutiles et improductives. »

Toute réserve faite sur la convenance et la légitimité des récriminations qu’elle contenait a l’adresse du gouvernement renversé en février, cette circulaire assurément parlait d’or. Ainsi, l’utilité allait être la règle invariable et souveraine en matière de travaux publics ! Les sérieux intérêts de l’état seraient désormais seuls consultés, et le gouvernement allait enfin mettre un terme à toutes les dépenses inutiles et improductives.

On sait comment les faits répondirent à ce langage. Les ateliers nationaux furent créés, et nous n’avons point à refaire ici leur déplorable histoire. Ce qu’il nous importe surtout, c’est de montrer sur quels travaux d’utilité publique le gouvernement provisoire, décidé enfin à faire renaître dans nos chantiers une activité féconde, jugea à propos de diriger les ressources de l’état. Un décret de ce gouvernement ordonne que « le chemin de fer de Sceaux sera prolongé jusqu’à Orsay[1] ! » En 1844, on avait concédé à une compagnie, sur sa demande, le chemin de fer de Sceaux, pour être exécuté dans un système particulier de tracé approprié à l’emploi de voitures spéciales, dites voitures articulées il y avait là une expérience utile qui ne coûtait rien à l’état, et à laquelle la compagnie concessionnaire avait consacré un capital de 4 millions et demi ; mais où était la nécessité de prolonger ce chemin au-delà de Sceaux ? On n’en sait rien, car enfin, s’il ne s’agissait que de créer des ateliers, l’espace et la besogne ne manquaient pas sur nos grands chemins de fer. On n’avait là qu’à suivre une

  1. Décret du 27Jévrier 1848.