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ceci que nous voyons clairement par l’expérience de nos voisins l’excès qu’il faut éviter, et la proportion qu’il est indispensable d’établir entre le développement des chemins de fer et la tâche qu’il leur sera donné d’exécuter.

Il n’y a donc aucune induction à tirer de la situation financière des rail-wavs anglais pour l’avenir financier de nos propres chemins de fer. La seule inspection de la carte d’Angleterre le démontre, et on le comprend mieux encore lorsqu’on parcourt les différentes parties et surtout les ramifications secondaires du réseau de ses routes à ornières ; ou plutôt, quand on voit le royaume-uni, avec un territoire qui n’a que les trois cinquièmes de la superficie de la France, mettre 12,000 kilomètres de chemins de fer[1] au service d’une population qui n’atteint qu’aux trois quarts de la nôtre, on reste convaincu que nos principaux chemins de fer, eux qui sont tracés dans les grands courans de notre circulation commerciale, et qui traversent les portions de notre territoire les plus industrieuses et les plus peuplées, doivent donner des résultats fort supérieurs aux produits annuels moyens des rail-ways anglais pris dans leur ensemble. Or, ce produit annuel s’élèverait aujourd’hui, en tenant comte des avantages attachés aux fonds d’emprunt ou aux actions privilégiées, à 3 pour 100 de la totalité des capitaux absorbés par l’ensemble du réseau, tout compris, les mauvaises lignes comme les bonnes. Pour nous, il ne s’agit en ce moment que des bonnes lignes, et c’est sur celles-là seulement que nous voulons porter l’appui du crédit de l’état. Eh bien ! qu’on prenne les concessions d’Orléans, de Rouen et du Nord, qui offrent les meilleures conditions de trafic, qu’on les combine avec les concessions du Hâvre et du centre et avec l’exploitation ouverte entre Orléans et Tours, qui sont, maintenant surtout, tout au plus au niveau des conditions moyennes, et on formera de la réunion de ces six entreprises un ensemble de bonnes et de mauvaises chances assez semblable à ce qui doit se réaliser sur les chemins de Lyon, de Strasbourg, de Bordeaux et de Nantes, lorsque l’exploitation y sera complète. L’année 1849, qui doit être considérée comme très médiocre en ce qui concerne l’activité des affaires, donnera, d’après les relevés actuels fournis par les compagnies, pour les six concessions que nous venons de citer, une recette brute totale d’environ 48 millions et demi, c’est-à-dire près de 38,000 francs par kilomètre[2]. Les dépenses d’exploitation sont variables. Elles s’élèvent à 36 pour 100 de la recette brute sur le chemin d’Orléans et à 41 pour 100 sur celui de Rouen ; portons-les à 50 pour 100, et on trouvera pour produit net moyen 19,000 fr. par kilomètre, ou un produit net total de 39,900,000 fr. pour les 2,100 kilomètres sur lesquels portera la garantie de l’état, ou enfin 7 fr. 28 cent. pour 400 du capital de 547 millions ! L’intérêt à 6 pour 100 de ce capital serait de 32,820,000 fr. On a donc une marge de plus de 7 millions pour atteindre le produit net de 39,900,000 fr., qu’on peut appeler probable d’après les recettes de cette année sur les chemins de fer en exploitation, ou, pour réduire tout au kilomètre, ce pu facilite les rapprochemens pratiques, il suffirait qu’on obtînt un produit net

  1. Sur les 19,300 kilomètres de chemins de fer autorisés, il y en a aujourd’hui 11,600 de construits, et dont la presque totalité est livrée à la circulation.
  2. Le développement total des parties exploitées sur les chemins du Nord, d’Orléans, e Rouen, du Hâvre, du centre et de Tours, est de 1,282 kilomètres.