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allures rectilignes. Si M. Passy avait raison, il ne faudrait, dans aucune circonstance, établir des impôts nouveaux ; il ne serait pas même permis d’augmenter les impôts existans car toute nouvelle taxe et toute aggravation des taxes établies agit sur la valeur des propriétés et change les conditions des fortunes. Cette doctrine est au fond celle de l’impôt invariable et mène à l’impôt unique. Ce sont les calculs de Ricardo combinés avec les illusions de Quesnay.

Il est désirable assurément que l’assiette des taxes ne subisse pas des variations fréquentes ni soudaines. Une certaine fixité dans le taux et dans le mode fait partie des principes que les économistes recommandent en matière d’impôt ; mais l’impôt, fût-il invariable, resterait encore exposé à la dépréciation qui s’attache à la valeur de l’argent. En fait et par tout pays, le système des taxes a éprouvé, depuis un demi-siècle, des remaniemens qui tantôt portaient sur des parties et tantôt sur l’ensemble. Nulle part peut-être cette instabilité n’a été plus grande qu’en France. Sous la restauration, le principal de l’impôt foncier fut dégrevé dans une proportion très forte. Depuis 1830, l’invasion toujours croissante des centimes additionnels fit plus qu’annuler en résultat le dégrèvement opéré au profit des propriétaires du sol. L’accroissement que prirent, à dater de cette époque, les quatre contributions directes, ne s’élevait pas, en 1847, à moins de 95 millions, soit à 29 pour 100. Cette augmentation ne s’est pas répartie d’une manière égale entre les quatre contributions directes ; car les centimes additionnels, qui représentent 76 pour 100 dans la contribution mobilière, ne figurent plus que pour 42 pour 100 dans celle des portes et fenêtres, et pour 43 pour 100 dans celle des patentes. En prenant encore le point de comparaison dans les produits de l’année 1847, année de disette, dont les résultats n’ont pas égalé ceux de l’année précédente, on trouvera que les taxes de consommation rendent aujourd’hui 191 millions, soit 30 pour 100 de plus qu’en 1830 ; mais cet accroissement de recette n’a pas été obtenu par une aggravation d’impôt : il correspond aux progrès de la population et de la richesse.

Il suffit d’avoir sous les yeux les variations de l’impôt pour en induire que les taxes n’ont pas pu s’incorporer en France d’une manière directe ni absolue au prix des choses. J’ajoute que la solution de cette difficulté tient encore à d’autres élémens qui semblent avoir été négligés dans l’exposé de M. le ministre des finances. Et par exemple, dans l’assiette de l’impôt foncier il n’est pas vrai que la taxe soit toujours supportée par le propriétaire et prélevée en réalité sur la rente du sol. Cela dépend, en effet, quand le propriétaire n’exploite pas par lui-même, du rapport qui existe entre l’offre et la demande dans la culture des champs. Si les fermiers se font concurrence pour l’exploitation des terres, le fermage s’élève souvent jusqu’à faire bénéficier le possesseur