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Les chemins de fer pourvus, le budget des travaux publics se trouve singulièrement soulagé. Ils sont, en effet, portés pour 66 millions au projet de budget pour 1850. Or, si les propositions qui précèdent étaient admises, on devrait de ces 66 millions en retrancher 54 ; qui forment l’ensemble des allocations afférentes aux grandes lignes de Lyon, de Strasbourg, de Bordeaux, de Nantes et de Rennes. Il y a lieu de déduire aussi les 720,000 francs destinés au chemin de fer de Paris à Orsay, à moins qu’ils n’aient pour objet unique de liquider tout de suite cette superfluité. Enfin, les chemins du centre figurent ensemble pour une allocation de 9 millions, dont 8,400,000 francs à appliquer au-delà de Vierzon. Ce crédit serait avantageusement réduit, si on veut se borner aux travaux d’une utilité assez prochaine.pour justifier des sacrifices actuels. Voilà donc sur le crédit proposé pour les chemins de fer en 1850 un retranchement de 54 millions au moins, sans que les chemins de fer en reçoivent une moindre impulsion, et en organisant, au contraire les moyens de les pousser plus vite vers le but immédiatement réalisable.

La navigation intérieure pourra, par cela même, être traitée avec plus de libéralité, et surtout avec le sentiment d’une juste appréciation de ses services. Rien de plus mesquin et en même temps de plus stérile que la part qui lui est faite au projet de budget pour 1850. Il y a quatre ou cinq ans, on aurait mieux compris un pareil abandon. On pouvait discuter alors sur la décadence prochaine de la navigation intérieure et sur la prédominance exclusive des chemins de fer. Aujourd’hui l’hésitation n’est plus possible. Les faits abondent. Toutes les grandes lignes de chemins de fer, toutes celles qui sont appelées à jouer, et jouent en effet le rôle principal dans l’ensemble des communications intérieures, sont immédiatement aux prises avec des voies navigables concurrentes, et pourtant ces chemins-là sont, en Belgique et en Angleterre comme en France, les mieux achalandés et les plus prospères, sans que les voies navigables aient rien perdu de leur utilité, ou aient été restreintes dans l’importance de leurs services. C’est qu’en effet, « sur les lignes principales, dans les grands courans de la circulation commerciale, la richesse publique suffit largement à alimenter à la fois les voies de fer et les voies d’eau, et de plus elle trouve dans leur concours même les meilleures conditions de son développement[1]. » Ce fait, signalé en 1845, a reçu depuis, de l’expérience même, une consécration qui le met à l’abri de toute sérieuse contestation.

Pour faire mieux apprécier la manière dont la navigation intérieure est traitée au projet de budget de 1850, citons quelques exemples. La voie navigable ouverte par le canal de Bourgogne entre Lyon et Paris présente partout un tirant d’eau de 1 mètre 30 centimètres à 1 mètre 60 centimètres, excepté dans le cours de l’Yonne. Là on n’obtient un mouillage de 60 centimètres qu’en créant des crues factices par des lâchures d’eau faites dans la haute Yonne trois ou quatre fois par semaine, c’est-à-dire que les transports sont soumis, sur l’Yonne, à tous les frais des transbordemens et des alléges, et à tous les retards et tous les dangers de ces éclusées périodiques, qui emportent pêle-mêle les bateaux et les trains accumulés à l’embouchure des canaux dans l’intervalle de deux lâchures. C’est la barbarie presque aux portes de la capitale, sur une des communications

  1. Du Concours des canaux et des chemins de fer (1845).