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le sanctuaire de la famille sept millions de contribuables ! Où trouverait-on des agens pour l’imposer et des patiens pour le subir ?

Les défenseurs de l’impôt sur le revenu se prévalent d’un précédent qu’ils croient avoir découvert dans la législation existante. À les entendre, l’état peut bien s’enquérir du revenu des contribuables, puisqu’il s’immisce à leur mort dans leur succession pour constater la valeur de l’héritage et pour prélever sur le capital, en distinguant les valeurs immobilières des valeurs mobilières, les droits qui reviennent au fisc Il n’y a point de parité à établir entre des circonstances aussi essentiellement différentes Quand le fisc cherche à constater le prix vénal des immeubles pour mettre le droit en rapport avec la valeur réelle, c’est à l’instant où la propriété va changer de main, dans un moment de transition où elle semble n’appartenir à personne. La recherche ne s’adresse qu’au capital, qui est toujours saisissable ; elle ne pénètre pas dans les mystères souvent insaisissables du revenu. Le fisc renonce même à l’ouverture d’une succession, à constater la situation réelle des fortunes, car il n’admet pas la défalcation des dettes et calcule les droits d’après le capital brut des propriétés qui sont transmises il ne fait pas précisément ce qu’il lui reste à faire dans l’examen et dans le contrôle qu’entraîne l’impôt sur le revenu. Ce qui convertit cet examen en une véritable inquisition, c’est que les agens de l’état ne peuvent pas s’y livrer consciencieusement sans entrer en contact avec les personnes sans les interroger une à une, sans comparer leurs déclarations avec les témoignages des pièces ou des faits.

Tous les gouvernemens qui ont introduit l’income tax dans l’économie de leur système financier ont reconnu la nécessité de cette procédure d’un autre âge. Ainsi, en Angleterre, on défère le serment aux contribuables, et, quand on les surprend en flagrant délit de fausse déclaration, ils ont à payer une amende de 500 francs, sans compter un droit triple de celui qu’ils auraient dû. En Bavière, l’amende est le quintuple de la différence qui se rencontre entre la somme déclarée et la somme due. De telles pénalités sont évidemment illusoires. La terreur seule peut prévenir à diminuer la fraude, et je ne verrais de moyen efficace que celui que proposait Vauban à Louis XIV, pour l’application de la dîme royale : « Que le roi veuille bien s’en expliquer par une ordonnance sévère, qui soit rigidement observée, portant confiscation des revenus recélés et cachés et la peine d’être imposé au double pour ne les avoir pas fidèlement rapportés ; moyennant quoi et le châtiment exemplaire pour quiconque osera éluder l’ordonnance et ne pas s’y conformer, on viendra à bout de tout. »

La confiscation des revenus que l’on aurait dissimulés, voilà donc la sanction de l’impôt sur le revenu, le dernier mot du système. À quel prix. M. le ministre des finances s’est-il soustrait à cette conséquence