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d’Occident sur leur religion, qu’il trouvait fort belle ; mais, quand ceux-ci lui demandaient s’il ne vaudrait pas mieux être adorateur de Jéhovah que bouddha-vivant, il répondait qu’il n’en savait rien. On ne pouvait l’interroger sur ses vies antérieures et ses incarnations sans le faire rougir. — Ne me parlez pas de ces choses-là, disait-il, vous m’affligez.

Chaque lamaserie de quelque importance possède un bouddha-vivant. Au-dessous de ce supérieur de droit divin se trouve un autre grand-lama, membre de quelque famille puissante, souvent même d’une famille royale. Ce second dignitaire est chargé de l’administration de la lamaserie ; il gouverne, tandis que le bouddha ne fait guère que régner. Des fonctionnaires subalternes et soumis à une hiérarchie très bien ordonnée relèvent du lama gouvernant. Les emplois s’obtiennent au concours ou après examen. Tout lama dont les études sont réputées finies prend le titre de lama-maître, ne sût-il pas lire, ce qui n’aurait rien d’extraordinaire. Chaque lama-maître a sous ses ordres un ou plusieurs chabis (lama-disciple). Ils sont chargés des soins du ménage. Le maître a le droit de les frapper, et il en use ; ne le voulût-il pas, il y serait forcé, car il est de foi parmi les chabis qu’on ne peut rien apprendre sans être battu. Le chabi étudie quand bon lui semble ; pourvu que le soir, il soit prêt à réciter sa leçon ou à recevoir des coups, il est en règle. Ces études privées ont pour complément des cours publics auxquels toute la lamaserie est libre d’assister. Les cours publics se divisent en quatre sections ou facultés : 1° la faculté de mysticité, 2° la faculté de liturgie. 3° la faculté de médecine, 4° la faculté de prières. Partout l’enseignement est très vague. Un professeur au langage net et précis aurait d’ailleurs peu de succès ; il serait regardé comme un discoureur frivole. Les lamas trouvent une doctrine d’autant plus sublime qu’elle est plus insaisissable. Pour obtenir des grades, il suffit de savoir par cœur tels ou tels livres, et il n’est pas toujours inutile de faire des cadeaux aux examinateurs.

Les lamas sont soumis à une règle uniforme, mais ils ne pratiquent pas réellement la vie commune. Chaque habitant d’une lamaserie a sa demeure particulière, une maisonnette peinte en blanc et surmontée d’un belvédère, où il vit selon ses ressources. Tous les trois mois, l’administration fait, à titre de secours, une distribution de farine ; les offrandes des pèlerins et l’industrie du lama doivent fournir le reste de la nourriture et les vêtemens. Il en résulte que tel lama est bouvier, tel autre tailleur, etc., etc. ; les plus savans sont copistes, médecins ou sorciers ; du reste, tous les métiers sont permis aux lamas, sauf celui de boucher. Comme prêtres, il leur est défendu de faire transmigrer de force et prématurément l’ame enfermée dans le corps d’un animal quelconque : ils observent rigoureusement cette défense ; mais,