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il parcourait le littoral en menaçant du courroux céleste ceux qui pillaient les vaisseaux naufragés. Entendait-il parler d’une foire ou d’une fête, il y accourait, « afin d’élever la voix contre toute espèce de musique, contre les danses et les vanités, contre les baladins faisant des tours sur leurs tréteaux ; » mais « ce qui l’indignait surtout, c’était l’esprit mondain et ténébreux des prêtres, » et, quand il entendait les cloches sonner pour convoquer les fidèles dans les maisons à clocher, cela « le blessait au cœur de sa vie, car les cloches étaient comme une cloche de marché appelant les chalands, afin que le prêtre pût étaler sa marchandise. » A l’heure du service, Fox se rendait souvent dans les églises, et, quand le ministre avait achevé son sermon, il s’adressait lui-même à la congrégation : on le battait, on le chassait ; il attendait à la porte de la maison à clocher que l’office fût terminé, et, du haut d’un mur ou d’un arbre, il adressait à la foule de longues allocutions ; il tonnait avec passion contre les dîmes, les taxes ecclésiastiques, les imposteurs qui faisaient payer ce que le Christ avait ordonné de donner librement. Il engageait ses auditeurs à abandonner comme des pharisiens tous les professeurs qui parlaient du Christ discutaient du Christ, maudissaient au nom du Christ, et n’oubliaient qu’une chose, de pratiquer la charité, la tolérance, l’humilité, en un mot tout ce qu’ordonnait le Christ.

Un dimanche, en 1649, « il se sentit appelé à entrer dans la cathédrale de Nottingham, afin d’y porter témoignage contre la grande idole. » Le ministre venait de monter en chaire, et, s’appuyant sur un texte de saint Pierre : Nous avons aussi une parole de prophétie par laquelle vous ferez bien de vous laisser guider, il s’appliquait à montrer que les saintes Écritures étaient la pierre de touche infaillible dont l’apôtre avait voulu parler. « Non, non, s’écria tout à coup la voix de Fox, ce n’est point l’Écriture qui est la règle et la mesure, c’est la révélation intérieure. Les Juifs avaient la Bible, et cependant ils ont rejeté le Sauveur. » Pour avoir ainsi interrompu le service, il fut jeté en prison.

Les prisons devaient être les auberges de sa route ; neuf fois dans sa vie il y fit de longues stations, et c’étaient de terribles lieux que les maisons de force de cette époque, des lieux où les détenus étaient abandonnés à toute la brutalité des geôliers et trop souvent retenus au gré de la haine des juges. L’imagination aurait peine à concevoir rien d’aussi horrible que le donjon de Launceston où l’apôtre fut plus tard enfermé. Comment il survécut à sa captivité, il est difficile de le comprendre, car son cachot n’était rien moins qu’une sentine servant d’égout, un cul de basse-fosse où les excrémens des prisonniers s’étaient accumulés depuis des années, et, dans cet infect cloaque ; il eut à attendre les prochaines assises, sans pouvoir obtenir une botte de