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pour servir de texte aux délibérations du conseil général, à savoir une grande importance, une opportunité manifeste, la nécessité d’une enquête approfondie faute d’explorations antérieures qui fussent suffisantes, et enfin la parfaite compétence du conseil général. En voici une, par exemple : — Quels sont les moyens les plus propres à rendre l’ouvrier moins nomade, à l’attacher à son atelier, à lui faire aimer son village ou sa ville, à mettre ainsi de la fixité et par conséquent de l’ordre et de la règle dans son existence, sans porter atteinte à sa liberté ? — De cette façon, on eût été amené à examiner le principe d’association dans les applications qu’il est possible d’en faire aux relations des ouvriers entre eux et avec leurs patrons, sujet fort divers et fort vaste, digne des méditations de tout le monde, et sur lequel les chefs d’industrie qui siégeaient au conseil général ont dû recueillir des données qui échappent aux autres hommes.

Il est vrai qu’une discussion approfondie et prolongée sur le régime protecteur en parallèle avec la liberté du commerce, ou la mise en scène du principe d’association dans les rapports des ouvriers avec les patrons et entre eux, aurait eu un défaut d’une espèce particulière. Le conseil général comptait un certain nombre de membres, et des plus agissans, qui eussent été aussi mécontens de voir le gouvernement révoquer en doute l’excellence du système protectioniste que s’il eût mis en question l’existence de Dieu. Il ne manque pas de personnes en France, et il y en avait vraisemblablement dans le conseil général, devant lesquelles on ne peut parler du principe d’association sans qu’elles supposent qu’il s’agit du système de spoliation générale et de dilapidation qu’en 1848, le lendemain de la révolution, quelques énergumènes recommandaient en le qualifiant fort improprement d’association fraternelle. La discussion sur l’un ou l’autre des sujets que je viens de signaler n’eût donc pas été parfaitement placide ; il s’y fût mêlé de la passion et de l’irritation : c’est ce qui advient toutes les fois que l’on contrarie des erreurs enracinées, des illusions chéries, des prétentions exclusives, des intérêts absolus et aveugles. Tel coryphée qui pendant toute la session n’a parlé du gouvernement qu’avec onction l’eût, en pareil cas, accusé avec aigreur et emportement. Lorsque l’autorité est amoureuse de sa propre quiétude, elle évite d’ouvrir la porte à toute discussion qui pourrait devenir orageuse et lui susciter à elle-même des attaques, peut-être des rancunes pour l’avenir. C’est même une tactique qui peut convenir à des époques profondément calmes, où personne ne songe à innover en quoi que ce soit. En pareil cas, si l’on convoque les états généraux de l’industrie française, on peut, à la rigueur, leur assigner un programme sur lequel on parle à peu près pour parler. La fin de la session arrive sans émotion ni contrariété pour personne. On se donne alors, sous un ciel sans