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ce qu’il y avait de peu sérieux dans l’esprit girondin. En réclamant, même avant l’immolation du 21 janvier, l’exil de toutes les branches de la famille royale, en fatiguant la tribune des noms de Brutus et de Collatin, la gironde espérait jeter sur les montagnards résolus à repousser la proposition relative à d’Orléans de ridicules soupçons de royalisme. Ce fut là son principal travail au sein de la convention ; il n’est pas un de ses discours, pas un des écrits émanés de ses membres, où n’éclatent des insinuations analogues, quelque peu sérieuses qu’elles fussent en elles-mêmes, quelque peu de portée qu’elles dussent avoir sur le pays. C’était vouloir écraser ses adversaires sous des calomnies au lieu de les écraser sous leurs crimes. Dans des rangs où bien des fronts étaient marqués du sang de septembre, la gironde se complaisait à chercher des agens soudoyés de Pitt et de Cobourg, à signaler des partisans secrets de la monarchie. C’était là la plus grande injure qu’elle pût trouver, et, d’après elle, la montagne ne rendait la république si atroce que pour la rendre bientôt odieuse. Lorsqu’au sein d’une crise suprême un parti emploie de telles armes, ou, ce qui est pis encore, lorsqu’il subit l’empire de telles hallucinations, on peut hardiment prédire qu’il doit bientôt succomber.

Dans les jours de crise, la force se retire de toute grande faction qui n’en use pas. La gironde faisait de cet axiome une déplorable expérience. Quoiqu’en majorité dans la convention et en plus grande majorité dans le pays, elle perdait chaque jour du terrain par l’inconsistance de ses plans et la légèreté de ses résolutions. Les jacobins réclamaient le renversement de tous les tribunaux et de toutes les administrations départementales, se fondant sur le principe qu’aucune partie de l’édifice constitutionnel ne pouvait survivre à la royauté qui en était la base, et, pour ne pas se laisser vaincre en logique révolutionnaire, les girondins accordaient à leurs ennemis cette universelle refonte de la société, qui était au fond leur propre désarmement. Lorsque leurs orateurs avaient fait entendre de stériles imprécations contre les corrupteurs du peuple, quand, à l’aspect de Marat, ils avaient fait, par d’éloquentes paroles, courir dans l’assemblée un frisson d’horreur, il semblait que tout fût dit, et les aveugles ne voyaient pas qu’on s’apprêtait à les saisir dans l’impuissance de leurs attaques et la vanité de leurs succès. La ligne de circonvallation allait en effet se resserrant d’heure en heure, et déjà se dressait la formidable machine de guerre destinée à rompre pour jamais les rangs déjà relâchés de la majorité girondine.

Une mystérieuse, mais étroite solidarité liait les destinées de ce parti au sort du prince qu’il avait précipité du trône. Pendant que dans la solitude du Temple Louis XVI se préparait avec calme au dernier et au moins pénible de ses sacrifices, les factions engageaient autour