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considérée comme une promenade militaire, l’Europe n’aspirait plus qu’à sortir, sans y laisser son honneur, d’une entreprise manifestement impossible. Sauver la vie de Louis XVI par le concours du parti modéré au sein de la convention, reconnaître la république française sous la seule condition qu’elle ne jetterait pas cette tête royale en défi à tous les rois, telle était à cette époque la dernière espérance d’une coalition qui n’avait pas mieux concerté ses plans politiques que ses combinaisons militaires ; telle fut aussi, comme le constatent des révélations aujourd’hui complètes, la seule base des négociations qu’entamèrent à l’insu l’un de l’autre, avec les généraux républicains, les chefs des armées alliées à leur sortie du territoire, entre la victoire de Valmy et celle de Jemmapes.

Lorsqu’à la fin de novembre s’ouvrit le procès du roi, les armes républicaines étaient victorieuses sur tous les points, et la France avait renvoyé à l’Europe la terreur que celle-ci avait un moment fait peser sur elle. Dumouriez arrachait la Belgique à l’Autriche, Custine était en pleine Allemagne, Montesquiou donnait la Savoie à la nouvelle république ; le désaccord était partout entre les cabinets de Vienne et de Berlin ; l’alliance de Pilnitz était donc virtuellement dissoute, et, après d’aussi déplorables résultats, le sang d’un roi judiciairement assassiné devenait le seul ciment possible d’une coalition nouvelle. L’Espagne conservait encore une stricte neutralité, et, par une déclaration officielle, elle subordonnait sa conduite ultérieure au sort réservé au chef de sa maison ; enfin le cabinet anglais, qui depuis deux ans détournait les cours allemandes d’une intervention dont il avait mieux qu’elles mesuré les difficultés, était fermement résolu à conserver la paix, à moins qu’un attentat, qui réveillait en ce pays les plus douloureux souvenirs, ne vînt imprimer à l’opinion publique une impulsion irrésistible vers la guerre. C’est donc mentir avec la plus étrange effronterie que de présenter l’immolation de Louis XVI comme issue de périls imminens et de la pression armée de l’Europe sur la France. En janvier 1793, ces périls-là étaient pleinement dissipés par les victoires de nos armées non moins que par les dispositions bien connues des cabinets étrangers, et la république n’avait assurément qu’à vouloir la paix pour l’obtenir. Si la France se vit plus tard réduite à de terribles extrémités dans le duel à mort engagé entre elle et l’Europe, ces extrémités furent amenées par la mort de Louis XVI, bien loin que cette mort ait été provoquée par elles. Le coup de hache du 21 janvier eut dans la patrie de Charles Ier un retentissement sinistre ; le parti de la guerre l’emporta immédiatement dans le cabinet, et la haine combinée de la révolution et de la France s’incarna dans un homme dont un grand peuple accepta tous les plans, parce qu’il ressentait toutes ses passions. Tandis que l’hostilité de l’Angleterre donnait aux partis ennemis