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à leur tour Salaberry et viennent mettre leurs navires à ses ordres. Toutes ces trahisons, fruit honteux de la politique corruptrice de ce chef audacieux, souillèrent l’histoire de la milice péruvienne, et n’assurèrent pourtant à Salaberry qu’une supériorité passagère.

Aréquipa seul lui résistait. Orbegoso, qui s’y trouvait avec deux mille hommes, trop faible pour lutter contre son ennemi, se vit obligé d’implorer encore le secours de Santa-Cruz. Cette fois les troupes boliviennes étaient prêtes. Le général Santa-Cruz, qui attendait depuis si long-temps le moment d’entrer au Pérou, le saisit avec empressement, et concentra immédiatement ses forces sur la frontière. Gamarra avait été jusque-là retenu en Bolivie, où il s’était réfugié après sa tentative de révolution à Lima. Santa-Cruz chercha en lui un auxiliaire. Lui rendant toute liberté de rentrer dans son pays, où il savait qu’il avait encore de nombreux partisans, il conclut avec lui et Orbegoso une convention par laquelle ils s’unissaient tous les trois contre Salaberry. Aussitôt et avec cette malheureuse versatilité que nous avons déjà remarquée tant de fois, les troupes qui se trouvaient au Cusco se prononcèrent pour le général Gamarra, qui ne tarda pas à en aller prendre le commandement. Une seconde division, sous le Colonel Larenas, passa également de son côté, et ces mêmes soldats, qui venaient, quelques jours auparavant, de proclamer Salaberry, l’abandonnèrent comme ils avaient abandonné Orbegoso.

Cependant Salaberry ne se laissa pas abattre. Il répondit aux proclamations de ses ennemis par un décret de guerre à mort aux Boliviens, réunit toutes ses troupes dans un camp retranché à peu de distance de Lima, au petit village de Bella-Vista, et se disposa à la plus énergique résistance. Quelque faibles que parussent ses ressources comparées à celles de la coalition, une chance de succès lui restait encore. Il était impossible que la bonne harmonie se maintînt long-temps dans le camp de ses ennemis. L’idée dominante du général Santa-Cruz avait toujours été de réunir la Bolivie et le Pérou par un lien fédératif qui des deux républiques n’en aurait fait qu’une seule, dont il se serait réservé à lui-même la haute direction. Cette idée, qu’il nourrissait depuis l’année 1828, quand il trama avec Lafuente et Gamarra la révolution qui renversa le président Lamar, comptait de nombreux partisans. On doit croire que la position géographique de son pays, qui n’a que le mauvais port de Cobija, et se trouve par là condamné pour son commerce, à de très grands désavantages, fut ce qui inspira à Santa-Cruz la première idée de cette confédération. En même temps, pour que la Bolivie, ainsi réunie à un état beaucoup plus riche et plus étendu qu’elle, ne pût pas en être considérée comme une simple dépendance, le Pérou devait être divisé en deux républiques dont les