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une place démantelée et dépourvue sous une nouvelle coalition : tel était, après neuf années de guerres glorieuses, l’héritage des pouvoirs constitués par la convention. Il fit taire les assemblées, leur donna ses volontés à enregistrer, et répara sans leurs conseils les maux qu’elles avaient faits ou tolérés. Le régime électif avait divisé chaque département, chaque district, chaque canton, chaque commune en factions méprisables qui s’entre-déchiraient ; il fut remplacé à tous les degrés de la hiérarchie administrative par le régime du choix[1], et la réconciliation générale s’opéra dès que les comices furent fermés. La sécurité, l’ordre, la prospérité, succédèrent à l’inquiétude, au pillage, à la ruine ; le pays crut ne connaître la liberté que depuis qu’on ne lui en parlait plus, et si la forme républicaine est autre chose qu’un cadre ouvert pour l’intronisation de toutes les médiocrités tapageuses d’un pays, si son but le plus élevé est de faire découler de la prééminence des intérêts généraux le bonheur des individus et des familles, la république du consulat fut la plus vraie qu’eût jamais contemplée le monde. Le contraste entre la désorganisation à laquelle avaient présidé les assemblées et l’œuvre réparatrice d’une administration vigoureuse montra de quel côté la France avait à chercher l’ordre et la force. Plus tard, l’excès des complaisances des assemblées ne dut pas donner à Napoléon une grande idée de leur valeur ; il les traita toujours en conséquence, et ne pensa jamais à les relever de l’état de défaillance où elles semblaient se complaire. « Il est nécessaire, leur faisait-il dire dans l’exposé des motifs de la loi de finances du 20 mars 1813, que les députés de toutes les parties de l’empire viennent TOUS LES TROIS ANS recevoir dans cette capitale les comptes des deniers publics… » Ainsi se réunir de trois en trois ans, entendre plutôt que recevoir des comptes, voilà, les codes étant promulgués et les institutions de l’empire organisées, à quoi devait désormais se réduire l’intervention de la législature. Le 11 novembre suivant, à la veille de la convoquer, il montrait à quel point il entendait se passer d’elle, en ordonnant par un simple décret l’addition de 30 centimes aux contributions foncière et des portes et fenêtres, de 20 centimes par kilogramme aux droits sur le sel, le doublement de la contribution personnelle et mobilière, et la pensée de protester contre cette usurpation de pouvoir ne venait à aucun sénateur, à aucun député, à aucun contribuable. Presque au même instant il faisait, sous un prétexte frivole[2], proroger pour la seconde fois par le sénat les pouvoirs expirés depuis plus d’un an de toute une série du corps législatif

  1. Constitution du 22 frimaire, loi du 28 pluviôse an VIII.
  2. « L’époque de la convocation du corps législatif est trop prochaine pour qu’il soit possible de pourvoir au remplacement des députés sortans. » (Exposé de motifs du 12 novembre 1813.)