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— Avez-vous entendu, ma sœur ? dit Wilhelmine en levant la tête vers Christine.

— Oui, Wilhelmine, votre voix et douce, et cet air est triste ; cela m’a fait du bien de vous écouter. Dites-moi, Wilhelmine ; nous êtes-vous promenée ce matin ? Avez-vous été loin ?

— J’ai été à la ferme avec notre père.

— Oh ! que vous êtes heureuse, ma sœur, d’avoir marché dans les champs ! Que j’envie ce paysan là-bas, monté sur son cheval ! J’envie ce petit oiseau qui s’en va de branche en branche cherchant l’arbre qui lui servira de gîte cette nuit ; j’envie cette mouche qui bourdonne et s’envole au hasard ; j’envie tout ce qui est libre, ma sœur !

— Ne puis-je rien faire pour nous. Christine ? J’ai regret d’avoir ri ce matin de vos larmes, et, s’il y a quelque moyen qui soit en mon pouvoir d’adoucir votre captivité, j’en serai heureuse.

— Que Dieu vous récompense de votre bon cœur, mâcher. Wilhelmine. Oui, en vérité, vous pouvez me donner une joie qui ne vous fera courir aucun danger. Quand, en vous promenant, nous passez au bas de la prairie, auprès de l’eau, cueillez quelques-unes des petites fleurs qui poussent en cet endroit, et faites-m’en un bouquet que vous me jetterez par la fenêtre. Sûrement vous serez assez adroite pour visez juste, car c’est une bonne action de donner des fleurs à un prisonnier. Un bon ange conduira vos fleurs et les jettera à mes pieds.

— À demain donc, Christine ! Voici que l’on allume la lampe du parloir ; mon père y est, il me faut rentrer. Soyez patiente et douce, ayez bon courage, ma sœur.

— Bonne nuit. Wilhelmine ; je vous remercie de m’avoir parlé. Embrassez notre mère une fois de plus que de coutume, elle devinera que ce baiser vient de moi.

Christine se coucha ; mais, privée de l’exercice et du mouvement auxquels elle était accoutumée, en proie à mille inquiétudes, la pauvre jeune fille ne put s’endormir : elle se leva, marcha dans l’obscurité, se recoucha, et le repos ne vint pas un seul instant alléger ses souffrances ; ses yeux, rouges de larmes et fatigués, virent cette fois sans illusion le soleil se lever. Elle n’oublia pas une seconde qu’elle était prisonnière ; elle regarda tristement de loin la petite voile blanche, qui, fidèle au rendez-vous, se montrait à l’horizon, chaque matin, comme le soleil.

Tout le jour, elle attendit Wilhelmine ; elle espéra le bouquet, mais Gothon seule interrompit le complet isolement de sa journée. Peut-être avait-on su son innocent entretien avec sa sœur, peut-être avait-on défendu à Wilhelmine de revenir. Christine étouffait ; tour à tour agitée et accablée, elle marchait, elle s’asseyait, elle pleurait, elle murmurait contre son sort, elle priait. Enfin le soir vint, mais il ne ramena pas