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qu’elle n’était plus Christine comme autrefois, ces hautes murailles qui l’entouraient, tout la glaça de terreur. Elle se sentait étouffée, elle se crut descendue vivante dans une tombe ; elle eut peur du bruit de ses sanglots, qui se prolongeaient sous les arcades du cloître, de l’ombre de sa personne, qui s’agrandissait sous les rayons de la lune, de ce silence qui lui laissait entendre ses soupirs et ses larmes. Elle ne pria pas, elle regarda avec effroi autour d’elle, et resta sans mouvement appuyée contre une muraille.

Du haut des voûtes de l’église, le son d’une cloche se fit entendre ; son tintement égal et lent semblait venir du ciel ; il était à la fois triste et doux : Christine l’écouta. Son imagination malade voulait y retrouver une voix qui semblait rappeler de loin à travers toutes les vagues de l’océan ; puis la jeune fille crut encore y entendre comme le murmure de l’ame de sa mère qui l’appelait du haut des cieux ; les cloches enfin semblèrent dire à Christine : — Priez ! priez !…. — et Christine leur répondit tout bas : — Je prierai quand je serai libre, je ne peux pas prier ici :

Tandis que tant de trouble et de tumulte se succédait au fond du cœur de Christine, dans l’enceinte de ces mêmes murailles d’autres cœurs paisiblement joyeux disaient : « Béni soit le Seigneur, qui nous a donné notre tranquille retraite, le repos de chaque jour et le grand bonheur de l’aimer ! » Une porte, au fond de la galerie, s’ouvrit ; une longue procession de religieuses passa devant Christine, lentement, en silence, la tête baissée ; puis les novices vêtues de blanc passèrent, puis les postulantes avec leurs longs vêtemens de laine noire qui traînaient sur les dalles. La dernière d’entre elles s’approcha doucement de Christine, lui prit la main pour la faire se lever, et du doigt lui montra la porte du chœur ; cette porte ouverte laissait voir les lumières qui brûlaient sur l’auteur, et les religieuses, les premières arrivées, s’agenouillant devant le sanctuaire. Christine se leva et entra dans le chœur, mais elle ne pria pas.

On laissa la sœur Van Amberg pendant quelque temps livrée à elle-même, lui demandant seulement d’assister aux prières. Christine passa ces jours-là dans une horrible angoisse. Aucun regard ne s’arrêta sur elle sans que ce regard ne trouvât son visage baigné de larmes. Ce n’est pas au couvent comme dans le monde, ou mille soins empressés, où mille questions entourent la douleur. Christine pleurait sans se cacher ; on la voyait et on la plaignait sans bruit. Au couvent l’ami, le consolateur, c’est dieu. On laissait le silence être grand, afin que sa voix se fît mieux entendre.

Les jours succédaient aux jours, et Christine ne cessait de pleurer des larmes amères. Elle murmurait contre le ciel et contre les hommes ; son cœur était révolté, tout la froissait, tout la faisait