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qu’elle marchât lentement ; si elle parlait, il fallait que sa voix fût basse ; si la cloche sonnait, il fallait s’agenouiller avec un cœur aride ; si l’horloge marquait dix heures, il fallait se coucher sans sommeil ; si le jour commençait à poindre, il fallait se lever avec des yeux alourdis par le besoin du repos. Neuf fois par jour, la cloche disait d’aller prier. Pour les religieuses, cette cloche, voix amie descendant du ciel, semblait, en le divisant, rendre le temps plus facile à passer ; mais, pour Christine c’était un supplice d’obéissance qui brisait cette ame, toute aux passions de la terre.

Quand, la nuit, elle était seule dans sa cellule, elle se levait et venait, près de sa petite fenêtre, essayer de découvrir un coin du ciel. La lune, les nuages, lui rappelaient cette dernière nuit d’espérance et d’amour, pendant laquelle elle vogua quelques heures, assise auprès d’Herbert, croyant à une éternelle union de leurs âmes, rêvant la liberté sous le beau ciel de l’Espagne ; puis elle appelait Herbert, lui parlait et pleurait. Après ces nuits d’insomnie, elle descendait au chœur avec des yeux encore mouillés de larmes, avec une pâleur mortelle répandue sur son visage, et le regard de la supérieure s’arrêtait sur elle, comme pour lui donner une affectueuse pitié et lui faire de silencieux reproches.

Un jour, la supérieure la fit appeler et lui dit :

— Ma fille, je veux vous parler, je voudrais essayer de vous faire du bien. Vos larmes continuelles attristent mon cœur ; je ne croyais pas qu’une créature humaine pût autant pleurer. Les lois de ce couvent, que je relis chaque jour, disent, en parlant de la supérieure : Elle élèvera avec un amour maternel les sœurs qui, comme les petits enfans, seront encore faibles à la dévotion, se ressouvenant de ce que dit saint Bernard à ceux qui servent les ames : — La charge des ames n’est pas des ames fortes, mais des ames infirmes. — Voyons, ma fille malade, la vie vous paraît donc bien dure ?

— Oui, répondit Christine. elle est au-delà de ce que je puis supporter ; je veux être libre.

— Vous avez seize ans, vous dépendez de tous ceux qui vous entourent ; nulle part vous ne pouvez être libre.

— Eh bien ! alors, je suis malheureuse ; qu’on me laisse être malheureuse et pleurer !

— Ma fille, répondit la supérieure, Je savais bien tout le prix du bonheur paisible dont j’ai joui ; mais vous m’apprenez tous les maux dont j’ai été préservée. Qu’y a-t-il donc ici qui puisse paraître pire que les agitations dont le reste de la terre a rempli votre cœur ? Avec les rayons du jour, la cloche, la même depuis notre enfance, nous éveille pour prier. Nous l’aimons ; elle non rappelle les salutaires pensées qui doivent nous suivre en tous lieux. Au chœur, quelques-unes d’entre