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il ne sut jamais se décider, et pendant qu’il perdait un temps précieux à prendre et à quitter des positions sans savoir pourquoi, quelques compagnies ayant été surprises à Yanahuara par les tirailleurs de Castilla et repoussées violemment, d’autres compagnies marchèrent pour les soutenir. Castilla, de son côté, appuya les siens, et, sans que Vivanco eût donné un seul ordre, avant même qu’il eût été prévenu, la lutte s’engagea entre les deux armées, lutte confuse, désordonnée du côté des troupes du directeur, qui, après une courte résistance, se débandèrent et rentrèrent à Aréquipa (22 juillet I844).

Vaincu presque sans avoir combattu, Vivanco, avec quelques officiers plus particulièrement dévoués ou plus compromis, se retira à Islay. Il avait là trois ou quatre navires sur lesquels il voulait s’embarquer, revenir à Lima et tenter un dernier effort auprès d’Élias pour le ramener à lui ; mais, comme il aurait dû s’y attendre, l’escadre refusa de lui obéir, maintenant qu’elle le savait vaincu et impuissant. Elle s’empressa, au contraire, de faire sa soumission à Castilla, entre les mains duquel Vivanco lui-même aurait probablement fini par tomber, s’il n’était parvenu à se jeter à bord d’un des bateaux à vapeur qui, font le service mensuel de Valparaiso au Callao. Vivanco put donc atteindre ce dernier port, d’où il fut exilé par Élias dans l’Amérique centrale.

Cependant un des lieutenans de Vivanco, le général Échenique, se trouvait à la tête de dix-huit cents hommes dans le département de Junin ; à la nouvelle du pronunciamiento d’Élias, il avait marché sur Lima dans l’espoir d’y étouffer ce nouveau parti à sa naissance et de conserver la capitale au directeur ; mais Élias s’y était déjà fortement établi. Pendant son administration, il avait su se faire aimer de la population. Ce fut à elle qu’il fit appel pour défendre Lima. S’emparant, habilement de l’idée première qu’avait eue Vivanco de remplacer l’armée par la garde nationale, il organisa celle-ci au moyen des armes et des équipemens de toute sorte qu’il avait d’abord, préparés contre Castilla, et se mit hardiment à la tête du parti bourgeois contre le despotisme militaire, qui écrasait le pays depuis si long-temps. Quelques centaines d’hommes qu’il fit venir de la province d’Ica, qui lui était entièrement dévouée, formèrent le noyau autour duquel se rallièrent les gardes nationaux. Quand Échenique, qui ne s’attendait à aucune résistance, parut sous les murs de la ville, il dut reconnaître l’impossibilité absolue d’y entrer, et reprendre le chemin des Cordilières, où il perdit, par la misère et la désertion, plus de la moitié de son corps d’armée.

Délivré de ce premier danger, mais sans interrompre pour cela ses préparatifs de défense, Élias, qui, après tout, avait rendu à Castilla le plus grand service qu’il pût lui rendre, lui envoya des commissaires chargés