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l’autre moitié et entretient ainsi le malaise et la misère, en attendant la catastrophe qui doit être pour elle une défaite ou un succès.

Au risque cependant de voir démolir en quelques heures l’œuvre patiente, des années, nous devons reprendre aujourd’hui ce travail ingrat de réforme dans les finances que la révolution de février a interrompu. Il ne faut pas se lasser de rétablir l’ordre, même avec le désordre en perspective. L’existence des nations n’est pas, comme celle des individus, le labeur désespéré de Sysiphe. Un jour ou l’autre, en grandissant à travers les épreuves, elles finissent par atteindre le but assigné à leurs efforts. L’ère des révolutions n’est pas, sachons-le bien, le régime définitif de l’espèce humaine.


I. – SITUATION FINANCIERE.

Quelle est aujourd’hui la situation financière de la France ? quelle sera cette situation à l’ouverture de l’exercice 1851 ? Les efforts du gouvernement et de l’assemblée en 1850 auront-ils pour résultat d’alléger, dans une forte proportion, les charges publiques ? Nous avons presque terminé la liquidation de ces deux années que j’appellerai notre passé révolutionnaire ; au point où nous sommes parvenus, peut-on entrevoir, dès à présent, un avenir qui rassure et qui calme les esprits ?

Le malaise, qui se prolonge avec des alternatives d’amélioration et d’aggravation, tient principalement à ce que nous continuons, dans un temps agité, les procédés d’une époque pacifique, sinon régulière. On délibère et l’on dispute longuement, comme si l’ennemi n’était pas à nos portes. Le gouvernement et l’assemblée s’abîment dans des préparations législatives dont il semblait qu’une expérience de soixante années dût nous dispenser. Rien n’aboutit et personne ne décide. La langueur des volontés, l’avortement des projets et le conflit des opinions tiennent toutes choses en suspens. Le budget de 1850, tardivement présenté par le ministère, s’est traîné pendant cinq mois dans les débats intérieurs d’une commission qui a cru devoir reprendre à nouveau l’examen des moindres détails, comme si les commissions antérieures n’avaient rien éclairé et lui avaient laissé tout à faire. La discussion publique n’a commencé qu’à la fin de mars ; elle empiétera sur le mois de mai. On aura consommé, en courant après des rognures de budget, cinq douzièmes entiers dans le provisoire.

Le budget présenté par M. Passy portait à 1511 millions les dépenses tant ordinaires qu’extraordinaires de l’année 1850 ; la commission du budget, d’accord avec son successeur, les a réduites à 1427 millions. L’assemblée nationale a déjà consacré la plus grande partie de ces conclusions par ses votes. Voici, au reste, les deux projets en regard :