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des homélies sur la juridiction épiscopale et la pauvreté de l’église primitive du ton dont nous avons vu l’abbé Chatel faire ses sermons. Voici l’auteur de Faublas, voici celui des Liaisons dangereuses, qui se font théologiens et en remontrent au pape ; voici Camille Desmoulins, qui fit hisser le matin la corde de la lanterne, et qu’il faut voir dissertant doctement le soir sur les textes de saint Paul et le concile de Trente ; écoutez surtout le géant de cette querelle théologique, le grand saint Mirabeau dans ses épîtres aux Français[1], invoquant les lois canoniques en sortant des bras d’une maîtresse pour passer dans ceux de la mort, qu’il va bientôt saluer comme l’avant-courrière du repos par le néant. Chaque fois que j’ouvre le Moniteur et les écrits de ce temps-là, ce mélange de despotisme et d’hypocrisie, de science frelatée et de politique libertine, suscite en moi un inexprimable dégoût. Je n’hésite pas à affirmer qu’il a fallu moins de perversité morale pour préparer les attentats du 21 janvier et du 31 mai que pour élever à coups de mensonges l’édifice de l’église bâtarde qui allait avoir pour consécrateurs Gobet et Talleyrand, et pour organiser le système dont la conséquence allait être l’exil ou la mort de cinquante mille vieillards.

Les crimes politiques inspirent rarement le mépris, parce qu’ils jaillissent du choc des partis comme la foudre de la région des orages ; mais lorsqu’on voit une assemblée, après avoir solennellement proclamé la liberté individuelle et la liberté de conscience, toucher sans aucune provocation et sans nul intérêt à ce que vingt millions d’hommes ont de plus intime et de plus cher ; quand on la voit torturer les ames, briser les existences, prononcer l’exhérédation de tous les droits, bientôt suivie de pénalités terribles, contre des milliers de citoyens inoffensifs et désespérés ; lorsqu’elle affecte la tyrannie pour imposer à une nation les fantaisies de son esprit et les corruptions de son cœur, on ressent alors un amer dédain pour la nature humaine mêlé à je ne sais quelle religieuse épouvante. Il semble que l’on soit en présence de l’un de ces grands crimes contre l’esprit qui ne sont point remis aux nations, et l’on sent passer dans l’air le souffle prochain des vengeances de Dieu.

Jamais peut-être le châtiment ne fut aussi instantané ni l’expiation aussi terrible. La constituante, la bourgeoisie presque tout entière, se trouvèrent tout à coup engagées, par les résistances mêmes qui s’organisèrent sur tous les points du territoire, dans une série de mesures violentes qui rendit inévitable l’avènement au pouvoir de la démocratie révolutionnaire. Conséquente dans son œuvre d’oppression, l’assemblée décréta que tout prêtre qui refuserait d’engager sa foi à la

  1. Mot de Camille Desmoulins dans les Révolutions de France et de Brabant.