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sein des campagnes, ni une plainte, ni une menace, et jusqu’au grand attentat contre la conscience publique commis, vers la fin de cette année, par les auteurs de la nouvelle constitution ecclésiastique, pour les menus plaisirs des philosophes et des jansénistes, l’assemblée nationale n’avait entendu monter jusqu’à elle que les éclats de la joie populaire, parfois furieuse et implacable dans ses vengeances.

Tout changea de face à partir de ce jour. Une guerre sourde, bientôt suivie d’une lutte armée, s’organisa sur tous les points du territoire. Pas une ville, pas un village, pas un hameau, où un implacable antagonisme ne s’établît entre les partisans et les ennemis de la révolution. Les populations rurales, impassibles devant les humiliations de la royauté, secouèrent cette impassibilité lorsqu’elles virent la force publique écarter de l’autel les prêtres qu’elles vénéraient depuis l’enfance. Leur sens droit repoussa comme révoltante l’application du système électif à la formation du clergé, tentée avec un mélange de violence et d’hypocrisie par des hommes d’une immoralité notoire, et leur conscience se souleva lorsqu’elles virent cet étrange clergé fonctionner à ses autels déserts sous la protection des baïonnettes.

À peine les décrets du 27 novembre 1790 furent-ils mis à exécution, que des troubles éclatèrent d’un bout à l’autre du royaume et qu’on entra dans une phase de la révolution toute différente de celles qu’on avait traversées jusqu’alors. De terribles collisions agitèrent Nîmes et les départemens voisins ; au mouvement des populations protestantes, le parti catholique du midi répondit par une vaste organisation fédérale et militaire dont le camp de Jallès devint le centre. Toutes les colères et toutes les passions furent soulevées des bords de la Garonne à ceux du Var. Le Dauphiné, la Franche-Comté, la Flandre, la Normandie, furent troublés par des scènes sanglantes dont le récit remplit tous les journaux du temps, et dont le contre-coup allait chaque jour frapper l’assemblée d’étonnement et de stupeur. Bientôt les départemens de la Bretagne et de l’Anjou préludèrent par des émeutes partielles au grand incendie qui allait dévorer toute une génération. Au moment de résigner ses pouvoirs et de rentrer au sein des populations qu’elle avait si profondément agitées pour satisfaire un caprice, l’assemblée n’entendait retentir que récits de meurtres, de résistances furieuses, de stupides et sacrilèges profanations. La justice divine la contraignait de mesurer l’abîme qu’elle avait creusé de ses propres mains, et dans lequel allait bientôt disparaître son ouvrage.

Accoutumée à ne rencontrer sur ses pas nulle résistance, la constituante croyait pouvoir s’arrêter au point précis qu’il lui conviendrait de fixer dans la voie de l’arbitraire et de l’iniquité. En décrétant le remplacement immédiat de tous les prêtres qui refuseraient le serment dans leurs fonctions ecclésiastiques, elle leur avait néanmoins maintenu