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livré à lui-même. La quantité de minerai déposée annuellement à Bogaz-Koi, puis transportée de là à Bérékétli-Madène, peut être évaluée de 300 à 500 oks ; le gouvernement paie aux fournisseurs 31 paras (à peu près 2 sous par kilogramme) pour chaque ok de plomb pur ; il en résulte que, tous frais d’exploitation et de fonte compris, l’ok de plomb revient au gouvernement à 2 piastres (10 sous).

Le Bulgardagh, qui n’est que la continuation de l’Alladagh, a plusieurs mines de galène éminemment argentifère ; les mines qu’on y exploite aujourd’hui sont principalement situées sur le revers septentrional ; toutes ces mines, dont le nombre peut être évalué de huit à neuf, sont situées à peu de distance du village de Bulgar-Madène, qui se trouve au pied même du Bulgardagh. Elles ne consistent qu’en un certain nombre de trouées fort étroites dont, au premier abord, on aurait de la peine à deviner l’origine et la destination ; ces espèces de galeries percées dans la roche sont à peine accessibles à un ouvrier, ou plutôt à un enfant, car ce sont toujours des garçons de treize à quinze ans qu’on fait descendre dans ces trous obscurs, étroits, où le jeune mineur rampe sur le ventre muni d’une mauvaise lanterne, d’un sac et d’un marteau ; après avoir rempli sa besace de minerai ocreux qui se détache aisément, l’ouvrier revient haletant, épuisé, et il répète l’opération jusqu’à ce que la fatigue le force de se faire remplacer par un de ses camarades, qui ne peut entrer dans la galerie que lorsque le premier occupant s’est retiré, car il n’y a pas place, pour deux. On a d’autant plus de peine à s’expliquer ce mode barbare d’exploitation, que la nature même de la roche qui renferme la galène se prête admirablement à un travail régulier, sans même réclamer des constructions dispendieuses que pourrait exiger la nécessité de se garantir soit de l’irruption des eaux souterraines, soit des éboulemens. On n’a encore nulle part trouvé de l’eau dans les mines de Bulgardagh, et la nature de la roche, très solide, parfaitement homogène, ne nécessiterait qu’un petit nombre de maçonneries ou de charpentes.

Tous ces avantages naturels ne suffisent malheureusement pas pour donner à la production minière en Asie Mineure une impulsion appropriée à la richesse du sol. On y exploite les mines presque au hasard, et toujours au mépris des principes fondamentaux de la science. Les mines où l’extraction du minerai exige un ouvrage souterrain un peu compliqué, celles où commence à filtrer le moindre filet d’eau, celles encore où le gîte métallifère manifeste quelque appauvrissement, sont aussitôt abandonnées, et on va creuser un peu plus loin un petit trou qui ne tarde pas à être délaissé comme le premier. Aussi aucune mine en Asie Mineure n’a-t-elle été poussée au-delà d’une dizaine de mètres de profondeur, et le plus souvent on cesse de l’exploiter avant même d’avoir atteint la partie la plus riche du gisement.