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autrichiens de l’organisation des travaux d’exploitation de la mine d’Argala ; comme de raison, les ingénieurs auxquels cette mission avait été confiée jugèrent convenable de jeter les bases de l’édifice avant de vouloir en tirer les revenus : en conséquence, ils se mirent à percer à la profondeur requise des galeries d’écoulement, afin de protéger contre l’invasion des eaux tous les travaux présens et à venir ; mais ces allures méthodiques ne pouvaient convenir au gouvernement turc, qui demandait avant tout et sans délai une bonne quantité de cuivre. Aussi se hâta-t-il de congédier les ingénieurs dès que le terme de leur engagement fut expiré, et il n’eut rien de plus pressé que de remettre les travaux entre les mains des Arméniens ; ceux-ci abandonnèrent immédiatement les ouvrages commencés par les infidèles, et rentrèrent dans l’ancienne voie. Aujourd’hui le plus riche dépôt cuprifère du monde est dans un état déplorable.

Par ce que j’ai dit des procédés métallurgiques usités en Asie Mineure, on peut apprécier la nature des métaux qui sortent des usines turques et les pertes immenses qu’ils y subissent. En moyenne, on peut admettre que dans la fonte et le raffinage de l’argent, du cuivre et du plomb, les métallurgistes turcs perdent 32 pour 100 sur le premier, 12 pour 100 sur le second et 10 pour 100 sur le troisième ; or, comme l’Asie Mineure fournit annuellement 693,589 kilog. d’argent, 175,437 kilog. de plomb, et 1,206,773 kilog. de cuivre, il s’ensuit que chaque année, on y perd dans les usines, en nombre rond, près de 200,000 kilog. d’argent, plus de 100,000 kilog. de cuivre, et plus de 40,000 kil. de plomb, ce qui, pris ensemble, fait une perte annuelle de plus de 300,000 kilogr. de métaux ; et, comme le montant annuel de tous les produits métalliques de l’Asie Mineure en argent, cuivre et plomb est de 2.075,801 kil., on voit que les procédés de la fonte occasionnent annuellement un déficit au-delà du cinquième du chiffre total de la production ? Que dirait-on en Europe si, sur 100 kil. d’argent que renfermerait un minerai, plus de 20 kil. de ce métal étaient perdus dans l’opération métallurgique[1] ? Que dirait-on si, pour produire 100,000 kil. de métaux (cuivre, argent et plomb), on devait en perdre plus de 20,000 kil. ? Et cependant telles sont relativement les pertes qu’entraîne l’exploitation vicieuse des richesses métalliques de l’Asie Mineure.

Bientôt peut-être le nombre de ces richesses se sera encore notablement accru, et tout porte à croire que l’Asie Mineure contient de vastes gisemens d’émeri. En ce moment, l’émeri ne nous arrive guère que des Indes Orientales, et il n’a jusqu’à ce jour été trouvé en Europe que

  1. En Autriche, où les procédés métallurgiques n’ont pas encore atteint le même degré de perfection qu’en Angleterre ou en France, on ne perd dans la fonte des minerais argentifères que 5 kilogrammes sur 100.