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aussi neuve et aussi difficile, qui touche par tant de points à la grande règle de la liberté du travail, posée par l’article 13 de la constitution, et, plus encore que par la constitution, par la nécessité.

La cessation du travail pendant les jours fériés soulevait moins de difficultés. Le conseil s’est mis facilement d’accord sur ce point. Il a proposé de remplacer les trois articles du projet de loi spécial présenté en 1841 par un article unique ainsi conçu : « Les travaux particuliers sous un chef patenté et les travaux publics sont interdits pendant les dimanches et fêtes reconnus par la loi. » Cet article suffit en effet aux exigences de la loi religieuse en supprimant notamment les travaux publics pendant les jours fériés ; c’est à l’état de donner le premier l’exemple du respect pour les prescriptions de la religion. Quant aux travaux privés, c’est autre chose. L’interdiction ne peut s’étendre qu’aux grandes usines occupées par un nombre considérable d’ouvriers, encore est-il entendu que les usines à feu continu seront exceptées. Sont naturellement exceptés aussi les travaux de la famille que la conscience seule peut régler, et les travaux des champs, qui, à certains momens de l’année, ne peuvent pas souffrir d’interruption.

Enfin, pour ce qui concerne le travail des enfans et des femmes, il a été décidé que les prescriptions de la loi existante sur le travail des enfans seraient étendues à toutes les classes d’ateliers, d’usines et de manufactures dirigées par des patentés, que la durée du travail serait abaissée à six heures pour tous les enfans de huit à douze ans, qu’on assurerait aux adolescens de douze ans deux heures d’école le dimanche pour continuer leur enseignement primaire et religieux, que des inspecteurs-généraux rétribués visiteraient à tour de rôle les diverses parties de la France pour surveiller l’exécution de la loi, que des règlemens d’administration publique seraient promulgués le plus tôt possible pour protéger la santé, la moralité et l’instruction des enfans et adolescens, et que ces mesures protectrices seraient étendues au travail des filles et des femmes.

C’est par ces votes empreints d’une sollicitude en quelque sorte paternelle que le conseil général a terminé cette première série de ses travaux. S’il y a quelque reproche à lui adresser, c’est de n’avoir peut-être pas assez respecté, dans son zèle en faveur des classes laborieuses, la somme de liberté qui est la vie de l’industrie. Tout ce qu’il a pu faire dans l’intérêt des ouvriers, il l’a fait, jusqu’à compromettre à certains égards le développement de nos industries nationales. Ce qui tend à faire remonter artificiellement les salaires et à limiter la durée du travail ne peut qu’accroître le prix de revient des objets manufacturés, et conséquemment réduire la consommation ; mais cette considération n’a pas prévalu dans cette assemblée de propriétaires et de chefs d’ateliers qu’on aurait pu croire directement intéressés à soutenir