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comte de Paris, Louis-Napoléon ou Cavaignac, la France ne doit plus croire à la parole de l’Angleterre, tant que cette parole passera par la bouche de lord Palmerston. Lord Palmerston paraît penser qu’il faut que la France ne soit nulle part à côté de l’Angleterre et en bon accord avec elle, ni en Orient, ni en Occident, ni à Constantinople, ni à Athènes, ni à Madrid, ni à Naples, ni à Berne ; il paraît penser qu’il est bon, en écartant l’intervention de toutes les puissances intermédiaires, de mettre partout l’Angleterre en face de la Russie ; soit ! la Russie, comprenant le rôle que lui fait la politique de lord Palmerston, a déjà, dans l’affaire de Grèce, parlé au nom du continent, et nous avons été forcés d’adhérer à son langage. Nous attendons ce qu’elle va dire maintenant. Nous en sommes réduits là, mais ce n’est pas notre faute ; nous en sommes réduits à tourner les yeux vers Saint-Pétersbourg avec confiance, mais, encore un coup, ce n’est pas notre faute. La Russie, en apprenant notre intervention officieuse, s’était abstenue de toute démarche. Peut-être se donnera-t-elle l’honneur de regretter cette abstention, qui était une politesse à notre égard. Cette abstention nous a ôté un secours, et, pour avoir trop compté sur la bienveillance anglaise, nous avons négligé l’appui de la Russie : voilà la leçon que lord Palmerston nous a donnée.

Nous voudrions dire encore un mot sur la conduite de lord Palmerston. Il a, dans cette affaire de Grèce, infligé un échec à la France ; il a annulé notre influence à Athènes sans y augmenter celle de l’Angleterre ; mais nous ne voudrions pas que, pour ce trait, lord Palmerston pût s’ériger en vainqueur de la France et en destructeur de Carthage. Carthage en effet, si elle périt, se sera encore plus détruite elle-même qu’on ne l’aura détruite ; et quoiqu’on ait mis la main dans ses discordes, nous le croyons, ce sont cependant les fautes et les vices de Carthage, si elle ne parvient pas à s’en corriger, qui auront seuls amené sa ruine. Elle n’aura pas eu d’ennemi plus puissant que soi-même. Aussi dirons-nous à lord Palmerston avec tristesse et fierté : Vous avez constaté que l’action diplomatique de la France était faible et inefficace auprès de vous ; la grande victoire ! Comme s’il n’était pas évident qu’un pays qui n’a ni paix ni union intérieure ne peut pas avoir une action diplomatique qui soit forte et décisive ! Si la France n’avait pas à lutter contre ses discordes, si elle était paisible et calme, et par conséquent forte, comme sous la restauration au moment de la guerre d’Espagne, comme sous la monarchie de juillet, au moment des mariages espagnols, auriez-vous fait si peu de cas de ses bons offices au Pirée ? Et c’est à dessein que nous parlons des mariages espagnols. Nous ne croyons pas en effet que lord Palmerston revendique la révolution de février comme une revanche des mariages espagnols. Il y a donc eu des momens où la France a fait de la politique extérieure contre le goût et la volonté de l’Angleterre, et l’Angleterre pourtant n’a rien dit ; elle s’est tenue mécontente et calme. Ici, au contraire, nous faisions une politique qui n’avait rien qui pût déplaire à l’Angleterre, et c’est dans ce cas qu’elle nous joue un mauvais tour. Que croire, sinon expliquer la différence des conduites par la différence des temps, et bien nous convaincre que nous ne sommes même plus assez forts pour compter sur l’amitié et la bonne foi de l’Angleterre ? Si nous redevenons forts, nous redeviendrons des amis à qui on cherchera à faire plaisir, et des alliés