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qui seul détermine les gouvernemens européens à exiger le maintien de la juridiction exceptionnelle relative aux étrangers : l’intérêt des gouvernemens occidentaux serait aussi de pouvoir écouler vers la Turquie l’excédant de population qui trop souvent devient, pour la société européenne, une cause de désordre. Des deux parts, il y aurait un égal avantage à supprimer des entraves et des privilèges incompatibles avec l’existence d’un gouvernement régulier. Chaque jour voit s’augmenter le nombre des émigrans européens qui se dirigent vers l’Amérique. Le monde oriental renferme cependant d’immenses contrées qui n’attendent qu’une population laborieuse pour créer à l’Europe comme à la Turquie de nouvelles sources de richesses : cette population, protégée par les privilèges exorbitans dont jouissent aujourd’hui les étrangers, ne serait sans doute pour la Turquie qu’une corporation redoutable, une sorte d’état dans l’état, et tout au moins une source féconde d’embarras diplomatiques ; mais que l’ancien système disparaisse, que la Turquie assure aux étrangers la jouissance du droit commun, que l’Europe renonce aux privilèges nécessités seulement par le maintien de la vieille législation musulmane, et L’émigration européenne aura bientôt tourné vers l’empire ottoman l’activité féconde qui se concentre depuis si long-temps vers les deux Amériques. Dans le cas où les émigrans d’Europe prendraient enfin le chemin de la Turquie, c’est l’Asie Mineure qui devrait surtout être signalée à leurs efforts. Cette grande terre, si voisine de l’Europe, rapprochée de nous par des communications si régulières et si commodes, réunissant, par un singulier privilège, la température de l’Espagne, de l’Italie, à celle de la Hollande ou de l’Allemagne, cette péninsule, si riche et si admirablement située, offre au trop plein des sociétés, occidentales un débouché magnifique que le moment est venu de leur ouvrir. L’Europe, en portant la vie dans ces contrées depuis si longtemps désertes, ne ferait que leur rendre ce qu’elle en a reçu ; ne sont-ce point les opulentes cités de l’Asie Mineure qui lui envoyaient autrefois, avec leurs colons, les trésors de la civilisation et de la science antiques

Je n’ai voulu rien cacher des abus qui ont survécu en Turquie à l’acte réformateur de Gulhané. J’aurais mieux aimé pouvoir, comme l’ont fait tant d’écrivains, saluer dans cet acte le signal d’une ère de brillante régénération pour la race ottomane. L’appréciation exacte des faits ne permet pas de lui donner ce caractère. Le jugement que j’émets ici paraîtra peut-être en désaccord avec l’opinion qui s’est fait jour dans la plupart des nombreux écrits publiés sur la Turquie depuis quelques années. Dans presque tous ces écrits, ; à vrai dire, on cherche en vain ces renseignemens précis que le voyageur n’obtient qu’à la condition de