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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 6.djvu/872

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ans, une opposition libérale, ferme sans être anarchique, a réclamé et a fini par obtenir la révision du pacte fondamental.

Grace à l’à-propos de cette réforme, la Hollande n’a pas été ébranlée par les tempêtes européennes de février et de mars ; c’est que la Hollande est le pays du bon sens et des capitaux, et qu’il n’y a rien de moins révolutionnaire que ces deux choses-là.

Une nation qui a un caractère et, on peut le dire, un tempérament si particuliers, devait avoir aussi un art et une littérature à elle. Pour l’art hollandais, il n’y a rien à apprendre à personne. La littérature hollandaise est moins connue ; la faute en est un peu à une langue qui, entre les idiomes germaniques, est, pour nous Français, je l’éprouve ainsi, malgré ma sympathie pour le peuple hollandais, particulièrement désagréable par un mélange de dureté et de mollesse, par une alternative de grasseiement et de raclement auquel nos oreilles ont peine à. s’accoutumer. Essayer de parler hollandais, c’est comme goûter d’une confiture douceâtre entremêlée de petits cailloux. Quelle différence entre les sons de cet idiome et ceux d’un autre idiome germanique, du suédois, formé en grande partie des mêmes racines, mais qui, avec ses terminaisons sonores et ses voyelles retentissantes, fait penser à l’espagnol ! Le suédois et le hollandais, c’est un manteau de pourpre et un pourpoint de futaine grise, c’est un coup de trompette et le son d’une crécelle enrouée, ce qui n’empêche pas l’harmonie relative des vers : les sons de l’anglais blessent aussi nos oreilles, et pourtant, même sans être Anglais, on peut sentir la mélodie relative de Pope.

Ne nous étonnons point si les Hollandais trouvent de l’harmonie dans les vers de Vondel, bien que les mots dont ils se composent nous écorchent les oreilles, et qu’à voir seulement les ch et les k dont ils sont hérissés, il y ait de quoi nous agacer les dents. Il faut penser que les plus beaux vers de Racine auraient probablement fait le même effet, prononcés sur le théâtre d’Athènes. Ce que nous pouvons apprécier dans la littérature hollandaise, c’est le caractère patriotique et national qui la distingue si glorieusement. Cette veine de nationalité que nous allons suivre rapidement à travers une littérature peu connue nous amènera au roman historique de Mlle Toussaint, roman qui est le sujet que nous voulons traiter aujourd’hui.

Au moyen-âge, il n’y a pas encore de poésie nationale en Hollande ; c’est tout au plus si la nationalité hollandaise est constituée. Le Hollandais ne s’est pas encore nettement séparé du Flamand. Avant le XVIe siècle, la Hollande a des chroniques rimées, des poèmes didactiques et des poèmes chevaleresques comme le reste de l’Europe, mais rien où l’on sente le génie particulier du peuple. Il faut arriver jusqu’au siècle de son émancipation, au XVIe siècle, pour voir poindre les premières lueurs de cette littérature nationale que nous cherchons.