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pas que la poupée soit l’origine et encore moins le type de la marionnette. La poupée, faite d’abord d’étoffe, ne représente qu’une seule idée, l’idée de la configuration humaine ; elle est molle et non pas mobile. L’idée que représente la marionnette est complexe : c’est l’idée de mouvement ajoutée à l’idée de forme. La poupée n’est pas même, à mon avis, le premier ni le plus simple produit de l’instinct plastique. Le bâton sur lequel chevauche le frère de la petite fille est une expression de cet instinct plus direct et plus rudimentaire.

Le premier produit de la plastique naissante, c’est le tronc d’arbre à peine dégrossi que le père de ces enfans a choisi pour idole. Ce fétiche, d’abord pur symbole, sera façonné peu à peu, et deviendra une sorte de statue massive (un ςόανον). Puis cette idole sera coloriée, habillée, couverte de fleurs et de bijoux ; ce n’est point encore assez : l’art hiératique, après avoir imprimé à ce soliveau fait dieu quelques-unes des plus superficielles apparences de la vie, voudra y joindre le signe caractéristique, non-seulement de l’être, mais de la puissance, le mouvement. C’est de cette dernière prétention qu’est née la statuaire mobile, qui, dans l’histoire de l’art, constitue une phase tout entière, dont la critique n’a pas, ce me semble, suffisamment tenu compte. On est en droit, en effet, de s’étonner que cette puérile tentative, employée dans l’espoir de compléter l’illusion plastique, n’ait point fourni aux historiens de l’art les observations qu’elle devait si naturellement leur suggérer. Quoi qu’il en soit, jusqu’à ce que la statuaire, échappée à la tutelle sacerdotale, eût trouvé dans ses propres forces et dans le génie des grands artistes le secret d’imprimer au marbre le mouvement et la vie, les simulacres des dieux reçurent de la mécanique, sinon le mouvement, du moins la mobilité.

Les appareils destinés à atteindre ce but furent de deux sortes quelquefois c’étaient des ressorts cachés dans l’intérieur des statues étaient alors automatiques), quelquefois c’étaient des fils de métal et, des cordes de boyau qui, attachés aux membres, les faisaient mouvoir à l’instar de nos muscles. Les Grecs, avec leur propriété ordinaire d’expression, nommaient les statues de ce genre άγάλματα νευρόσπαστα, c’est-à-dire figures mues par des fils, ce que nous appelons du nom d’abord religieux, puis quelque peu railleur et profane, de marionnettes. Ainsi, avant d’être devenues les jouets perfectionnés et chéris de l’enfance, la vie et la joie de nos places publiques, les marionnettes et les automates ont été les hôtes révérés des temples. Je me hâte même de le dire (afin d’aller, autant qu’il est en moi, au-devant de la surprise que la découverte inattendue de ce fait bizarre pourrait causer aux lecteurs), la plastique a suivi dans l’art chrétien identiquement la même marche que dans le paganisme. À une époque analogue d’impéritie, elle a appelé la mécanique à son aide et associé ce malencontreux