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Pour que l’action commençât tout de bon, il ne faudrait rien de moins qu’un coup de hardiesse tel que ni l’Autriche ni la Prusse ne sont en goût de l’essayer. Que chacune des deux puissances : se dise, au milieu de ses alliés, l’organe exclusif et légitime, la tête de cette nation allemande dont on ne voit point le corps, cela ne fait de mal à personne, et chacune peut se permettre cet innocent orgueil ; mais laquelle s’avisera de vouloir porter la main, pour son propre compte, ou pour celui du groupe qu’elle commande, sur quelque forteresse fédérale, sur Ulm ou sur Mayence ? Laquelle osera prendre l’initiative d’une rupture ouverte, la responsabilité d’un recours aux armes ? Qui se mêlera de faire la guerre pour que les Russes se mêlent de faire la paix ?

Il y a pourtant telle occasion où cette guerre impossible aurait une chance quelconque de se produire : c’est une occasion du genre de celle qui se présente maintenant à Cassel. La Hesse électorale, après avoir adhéré à l’union prussienne, a fait sa soumission au pacte autrichien. Il n’est pas douteux que ce revirement n’ait profondément irrité contre elle tous les partisans de la Prusse ; mais il n’est pas douteux non plus que ce revirement lui-même n’ait été calculé pour couvrir des mesures qui devaient justement offenser tous les amis de la justice et de la liberté. Le gouvernement hessois ne s’est point rallié à l’Autriche par une affection platonique ; il a cru trouver dans la diète de Francfort un appui qui le soutiendrait quand même dans la révolution rétrograde qu’il méditait.

L’électorat de Hesse a toujours été signalé par la mauvaise conduite de son gouvernement. La Hesse est une des plus pauvres contrées de l’Allemagne, et, sauf la jolie ville de Cassel, sa capitale, elle n’a nulle part d’aspects bien rians ; les hommes n’y ont pas été mieux traités par la nature que par leurs princes. Aussi est-ce une plaisanterie populaire dans le goût naïvement sarcastique des Allemands du nord que de dire à propos de l’électorat : « Savez-vous le moyen de n’avoir jamais le mal du pays ? c’est d’être né en Hesse-Cassel. » Nous ne rappellerons pas les fâcheux antécédens de la politique qui n’a point cessé, à ce qu’il paraît, de diriger ce petit état ; elle en est restée aux pires traditions de l’ancien régime germanique. Elle ne s’est point modelée sur l’absolutisme débonnaire des souverainetés paternelles ; elle a préféré les allures de caserne et le despotisme brutal des caporaux. La révolution de 1848 ne l’a point corrigée de ces regrettables habitudes. L’électeur régnant a trouvé dans M. Hassenpflug un instrument commode pour l’aider à les reprendre tout à son aise.

M. Hassenpflug, qui était sorti naguère du service de la Hesse pour entrer dans la bureaucratie prussienne, a quitté récemment celle-ci par une très mauvaise porte. Le tribunal de Greifswald, en Poméranie l’a condamné pour faux et malversation, commis dans l’exercice de ses fonctions, à quatorze jours d’emprisonnement, au remboursement de la somme assez modique qu’il était accusé de s’être appropriée, et au paiement des frais du procès. Au lieu de subir sa peine en Prusse, où il était tenu pour légalement déshonoré (bescholten), où il était désormais légalement incapable d’obtenir même un emploi de veilleur de nuit, M. Hassenpflug s’est allé rendre à l’électeur de Hesse, qui l’a mis dans son cabinet et nommé son premier ministre. En récompense de cette générosité, M. Hassenpflug s’est chargé de demander aux chambres su’on lui votât l’impôt de confiance, parce que l’électeur trouvait incommode d’avoir à leur