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bêtes de somme qui s’y succèdent, encombrent les chambres aussi bien que les écuries. Quelques années encore, et les caravansérails manqueront au voyageur, qui n’aura plus où abriter sa tête, qui ne trouvera plus où attacher sa monture. Et cependant cette route va du golfe Persique à la mer Caspienne, de Bender-Abassi à Teherân et à Tabriz ; elle est la grande voie sur laquelle circulent les marchandises de l’Inde, de l’Arabie et du nord de la Perse. L’incurie d’un gouvernement sans administration, sans prévoyance, laisse ainsi se perdre et se tarir les sources de la richesse publique, en négligeant de réparer les canaux qui leur servent de voies d’écoulement.

Après avoir marché péniblement ainsi pendant dix jours, nous étions arrivés sur un des points qui nous étaient signalés comme conservant quelques vestiges intéressans de l’antiquité : c’était dans le voisinage d’un bourg appelé Morghâb. Comme restes de monumens antiques, les ruines que nous visitâmes près de Morghâb n’ont qu’une importance secondaire ; comme point géographique, elles sont encore sans nom bien précis. Les uns veulent y voir les restes de Passargade, mais d’autres placent cette ville à soixante lieues de là, au sud-est de la province de Fars, et ces derniers n’ont pas tout-à-fait tort. Quoi qu’il en soit, ces ruines consistent en une portion de muraille qui occupe le faite d’une petite colline, et doit avoir appartenu à une citadelle ou à un temple ; à quelques centaines de pas, dans une vaste plaine bornée de tous côtés par de hautes montagnes, sont quelques piliers isolés qui portent des inscriptions cunéiformes. Non loin de ces piliers est un mausolée gigantesque auquel les Persans donnent le nom de Mâder-o-Suleïman. La controverse qui s’est établie entre les antiquaires au sujet de la cité disparue s’est étendue à cette sépulture, dans laquelle on a voulu voir le tombeau de Cyrus. Ce monument est sévère et d’une grande simplicité ; il est oblong, fait de grandes pierres d’un calcaire blanc et poli ; il repose sur six degrés de même matière, très élevés. Une petite porte, autrefois ornée d’un profil et d’une corniche dont on reconnaît la trace, donne entrée dans une cellule où était sans doute déposé le corps. La cellule est vide maintenant, et les Persans qui viennent y prier mêlent au souvenir de Cyrus le nom de Mahomet.

Après deux jours de recherches et d’études en cet endroit, nous reprîmes la route de Persépolis, impatiens d’y arriver. On nous avait menacés de voleurs qui devaient nous arrêter dans les défilés de la montagne qu’il nous fallait franchir. Nous n’en vîmes aucun, et le 10 octobre nous apercevions les monumens auxquels la défaite de Darius fut si fatale.

Sous le nom de Persépolis, qui rappelle l’influence exercée par les Grecs sur cette civilisation persane dont ils devaient être un jour les destructeurs, sous ce grand nom, qui a, jusqu’à nos jours, abrité tant