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aussitôt après 1688. Les grands principes inaugurés en France par le mouvement de 1789, l’unité nationale, l’égalité civile, la liberté politique, avaient reçu au contraire pleine satisfaction par la charte de 1814, amendée en 1830 ; les questions principales étaient résolues, et les conséquences des solutions adoptées se développaient rapidement, pacifiquement, par la seule puissance des institutions, appelant tous les jours toutes les classes de la société à un degré plus élevé de dignité et de bien-être. Ce fait avait tellement frappé les yeux des contemporains, qu’au moment où la charte de 1830 s’est écroulée, tous les peuples, émerveillés de ses résultats, travaillaient à la prendre pour modèle dans leur propre gouvernement. Non-seulement les constitutions de Belgique, d’Espagne et de Grèce s’étaient réglées sur la nôtre, mais les états les plus éloignés jusqu’alors du régime représentatif, le Piémont, la Prusse, le royaume de Naples, étaient sur le point d’en faire de même, tandis qu’en Angleterre, après 1688, tout était encore douteux, mal défini ; l’ancien esprit de privilège et d’oppression combattait fortement contre l’esprit nouveau, la lutte des lords et des communes se poursuivait avec violence, et les autres nations étaient loin d’envier le désordre apparent d’un pareil régime.

Sous le rapport financier, il est inutile de rappeler ici ce qui y a été dit tant de fois, c’est-à-dire ce que le gouvernement de juillet a su faire sans augmenter les impôts et sans accroître sensiblement le chiffre de la dette publique. L’Angleterre de 1688 n’a pas fait en dix-sept ans pour 3 milliards de travaux publics, et cependant les dépenses publiques ont été annuellement, sous le règne de Guillaume III, trois fois plus fortes que sous Jacques II. Neuf ans après la révolution de 1688, la dette publique, qui n’existait pas sous les Stuarts, s’élevait déjà à plus de 500 millions de francs. Un pareil chiffre, que l’Angleterre a bien dépassé depuis, était alors inoui en Europe et même en Angleterre. La chambre des communes retentissait de récriminations amères contre un si lourd fardeau ; Guillaume ne persistait pas moins à demander tous les ans de nouveaux sacrifices, soit pour la liste civile, soit pour les dépenses militaires. Il en résultait une très vive irritation contre lui, qui se manifestait non-seulement par des discours, mais par des votes très significatifs. Le gouvernement de Guillaume fut plus d’une fois l’objet d’un blâme formel de la part du parlement ; le roi s’embarquait alors pour la Hollande et y restait le plus long-temps possible, menaçant d’y rester toujours. Les communes passaient leur colère sur les ministres en les forçant à résigner leurs emplois et même en les mettant en accusation, ce qui arriva plusieurs fois, et pour les plus illustres ; mais les pairs acquittaient toujours.

On a beaucoup parlé de corruption et de vénalité pour ruiner la monarchie de 1830 : chacun sait maintenant à quoi s’en tenir sur cette accusation comme sur tant d’autres ; mais, dans tous les cas, les