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publiquement protégée par le roi et les lords, à ce qu’on a appelé la corruption du dernier règne. Il est malheureusement vrai, et pourquoi le nier ? que les nécessités électorales avaient créé parmi nous autour de chaque député une clientelle toujours exigeante, toujours en quête d’emplois et d’avancemens ; mais était-ce le gouvernement qui l’avait faite ? Non, elle s’était formée d’elle-même, par cette force des choses qui place partout le mal à côté du bien, et qui fait que par tout pays, dans la républicaine Amérique comme dans l’aristocratique Angleterre, les mauvais instincts de la nature humaine tendent à faire de l’élection un marché. D’autres instincts plus élevés, plus généreux, luttaient contre cette tendance, le gouvernement essayait de s’y soustraire en multipliant les obstacles à l’entrée de toutes les carrières et les règles d’avancement pour diminuer autant que possible le nombre des postulans ; mais, après tout, quand on avait fait ce qu’on avait pu pour restreindre le mal, on aimait mieux subir cette loi dans une certaine mesure que compromettre de plus grands intérêts, et l’expérience n’a que trop prouvé qu’on avait raison.

Il faut d’ailleurs être juste envers tout le monde. Je ne crois pas que Hume soit dans le vrai quand il accuse Guillaume III d’avoir perverti les mœurs de ses sujets ; ces mœurs étaient perverties d’avance, cinquante ans de révolutions avaient produit en Angleterre leur effet habituel ; toutes les notions du bien et du mal étaient confondues ; le sentiment du devoir et du droit s’était effacé dans cette rapide succession de bouleversemens. On n’a qu’à lire surtout l’histoire du règne de Charles II pour voir jusqu’à quel point la licence des mœurs et la corruption des ames avaient été poussées ; tout le monde était vénal à cette cour, même le roi, et, ce qui rendait cette vénalité universelle plus honteuse et plus coupable, c’est que le gouvernement tout entier était à la solde d’un prince étranger, Louis XIV. Loin d’être un nouveau pas dans la corruption, le régime fondé en 1688 fut le commencement d’une autre ère : l’immoralité ne disparut pas sur-le-champ, il a fallu à l’Angleterre cent cinquante ans d’un gouvernement régulier pour en venir où elle en est aujourd’hui sur ce point, et elle n’a encore réussi qu’à préserver de la corruption les hautes régions de sa société politique, la vénalité se donne libre carrière ailleurs, et notamment dans les élections ; mais enfin c’est aux années qui suivirent la révolution de 1688 que remontent les premiers efforts tentés par la nation pour se défaire de cette maladie qui la déshonorait.

De même, en France, la corruption politique ne date pas de 1830 : elle est plus ancienne ; elle est née sous l’ancienne monarchie, a grandi dans l’époque révolutionnaire et impériale, et s’est plutôt atténuée qu’accrue sous la restauration et la monarchie de juillet. De tous les gouvernemens, sans exception, les plus corrupteurs sont les gouvernemens