Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 7.djvu/534

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de ce fait que je ne sais quelle perversion du sens moral et quelle fausseté de l’esprit général. Or, à ces faits-là, l’histoire ne doit guère que son mépris.

La révolution de février est donc une déviation, un déraillement ; elle est non-seulement, comme le sont toutes les révolutions, une lutte contre l’ordre temporel, elle est encore une insulte à l’ordre moral. Mais quoi, nous dira-t-on, est-ce qu’il n’en est pas de même de toutes les révolutions ? Pourquoi celle-là encourt-elle un blâme si sévère ? L’esprit d’insurrection n’est-il pas toujours blâmable ? A cela nous répondrons simplement que nous n’admettons pas et que nous n’admettrons jamais l’insurrection comme un droit, mais comme un fait, et que par conséquent, si nous considérons la révolution de février comme un fait, nous la trouvons mille fois plus odieuse que toutes les autres sans exception, car son masque est mille fois plus laid. L’insurrection n’est jamais qu’un fait, et, comme tel, elle est toujours brutale, aveugle et condamnable. Néanmoins il reste à trouver la signification de ce fait. Nous nous sommes déjà expliqué plus d’une fois sur la révolution française ; nous l’avons envisagée impartialement, sans colère et sans amour ; nous l’avons considérée comme étant le fait le plus considérable du XIXe siècle ; nous l’acceptons comme étant la destruction de tout un ordre politique et en même temps le commencement d’une autre société, mais nous n’acceptons pas ses doctrines. D’ailleurs jamais nous ne confondrons les aspirations, les désirs et les idées même erronées de la révolution française avec les idées et les désirs qui sont sortis de la révolution de février. La révolution française, à la prendre à un certain point de vue, est le triomphe de l’ordre moral, l’expiation des fautes commises envers les lois éternelles, des devoirs oubliés, des crimes consommés à l’ombre d’institutions mal soutenues, mal surveillées. Voilà le sens religieux de la révolution française c’est l’expiation terrible de tout un ordre temporel qui avait de plus en plus chassé loin de lui l’esprit divin qui devait l’animer. La révolution de février est-elle une expiation ? Oui, me répondent des voix sans nombre, des voix communistes, radicales, voire des voix catholiques et aristocratiques ; oui, elle est l’expiation des fautes commises par les privilégiés, me disent les unes, des fautes commises par les sceptiques et les voltairiens, me disent les autres ; elle est l’expiation de l’usurpation, me répondent les troisièmes. Soit. De tout cela il faut conclure que, de même que la révolution française a été le châtiment de l’ancien régime, la révolution de février est comme le châtiment de cette première expiation. Eh bien ! cela admis, de ces deux faits, lequel vous paraît encore le fait préférable ? Satan, même alors qu’il exécute les ordres de Dieu, n’est certainement pas beau, il est toujours Satan ; mais Belzébuth venant à son tour venger par d’autres crimes les