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que vous êtes incapables de prouver, contraire à toutes les données de l’observation psychologique, à tous les enseignemens de l’histoire, à cent exemples contraires donnés par les meilleurs et les plus libres génies ; de plus, c’est une thèse dangereuse, puisqu’elle légitime en quelque façon le panthéisme, en le déclarant invincible à la raison ; enfin c’est une thèse qui est en contradiction avec vos propres déclarations, puisque vous avez positivement reconnu que la raison naturelle est d’origine divine, qu’elle est une puissance régulière et bienfaisants, qu’elle renferme en soi l’idée de la loi morale et l’idée de Dieu.

Retirez donc toutes ces loyales déclarations : niez la raison, n’acceptez que l’autorité de l’église ; passez dans le camp de M. de Bonald avec vos adversaires des Annales de Philosophie chrétienne, — ou plutôt maintenez vos concessions ; restez fidèle à la constante pratique des pères et des docteurs, à saint Paul, à saint Augustin, à Bossuet ; mais alors retirez cette formule qui n’a plus de sens : le rationalisme aboutit au panthéisme, thèse déplorable qui mérite d’aller rejoindre celle de l’abbé de Lamennais dans le plus complet oubli.

Tout vous convie à cette rétractation honorable : Vous avez consumé tous vos efforts pendant dix-huit ans à combattre le spiritualisme. Pendant ce temps, votre véritable adversaire faisait son chemin. Tout à coup il a levé le masque : il s’appelle socialisme ; nous l’appelons, nous, matérialisme, car nous ne sommes pas dupes d’un prétendu socialisme platonicien ou évangélique, qui n’existe que dans la tête de quelques innocens rêveurs. Ce qui est redoutable et réel, c’est le socialisme matérialiste et démagogue. Voilà l’ennemi. Ce n’est pas trop pour en triompher de toutes les forces réunies d’un christianisme éclairé et d’un spiritualisme indépendant.


EMILE SAISSET.