Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 7.djvu/708

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’a as arrêté le mouvement commercial. Ma première course m’a conduit aux placers situés à l’est de San-Francisco ; un peu après, j’ai parcouru une partie de ceux qui se trouvent au sud jusqu’à une distance de 210 à 230 milles dans l’intérieur des terres. La nature n’est plus autour des placers, comme aux environs de San-Francisco, nue et desséchée : c’est un magnifique pays propre à tous les genres de culture, et qui ne demande que le travail des hommes pour se couvrir des plus riches moissons. Des prairies interminables courent le long des rivières, mais si chargées de fleurs, que le pied du voyageur en écrase des gerbes à tout pas. De grands bouquets de beaux arbres coupent ces vastes solitudes, où paissent en liberté d’innombrables troupeaux de cerfs et d’antilopes. Ces campagnes embaumées séparent San-Francisco des montagnes où sont situés les placers aujourd’hui en exploitation. Les montagnes qui s’élèvent entre Stockton et Murphy soit couvertes de pâturages et de bois de sapins et de chênes ; elles renferment toutes de l’or en assez grande quantité. Des camps d’émigrans se sont formés dans les ravins, — en espagnol cagnades, — où le métal précieux s’est rencontré avec le plus d’abondance. Parmi ces cagnades quelques-uns sont à peine occupés par une demi-douzaine de tentes ; d’autres présentent déjà au regard l’aspect d’une ville naissante ; j’en ai vu où campent trois ou quatre mille mineurs. Le camp de Sonora entre autres, qui est à deux journées de Stockton, ne comptait, il y a un an, que deux ou trois tentes ; il y a maintenant des rues, des cafés chantans, des bals publics, des hôtels garnis, des restaurans, des concerts : — des concerts au milieu des solitudes les plus profondes de l’Amérique du Nord, et à soixante-dix lieues de San-Francisco ! mais quelle population ! la pire race d’hommes qui peuple les barrières de Paris peut à peine lui être comparée.

Les endroits où l’on récolte l’or se rencontrent toujours dans des ravins, entre deux montagnes resserrées ; un ruisseau coule au fond, et c’est au bord de ce ruisseau que les mineurs dressent leurs tentes. Le terrain appartient de droit au premier occupant. Aussitôt qu’un ravin est exploité, il prend le nom du mineur qui le premier a planté sa pioche dans ce terrain vierge encore. Ainsi, par exemple, il y a la Cagnade du Dragon, la Cagnade du Lancier, celle du Soldat, celle du Muletier, celle de Mormon, celle encore de Murphy. En anglais, ces même lieux sont désignes par ces mots : Mormon’s Diggings, Murphy’s Diggings, etc., c’est-à-dire fouilles de Mormon, fouilles de Murphy. Quand un émigrant a trouvé un ravin propre aux fouilles ou une cagnade favorable au commerce qu’il veut entreprendre, il coupe dans les montagnes une ou deux douzaines de sapins, les équarrit et les porte sur son dos jusqu’au placer, où il dresse le squelette de sa tente ;