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cela, voilà de la poésie, de la vraie poésie, monsieur Mundell ! » s’écria-t-il tout à coup, et, sans démordre, il acheva le volume. L’exclamation du docteur fut en quelque sorte répétée par tous ceux qui lurent les Plaisirs de l’Espérance. Le débutant fut recherché ; son œuvre le mit en rapports avec Scott, Henry Erskine, Dugald Stewart, Arch. Alison, l’auteur de l’Essai sur le goût, Sydney Smith, les Kemble. Déjà il était lié avec Jeffrey, Thomas Brown et Henry Brougham. À Londres et à Liverpool, il en fut comme à Édimbourg. La miraculeuse puissance du poème y procura à Campbell l’amitié ou la protection de Charles Fox, lord Holland, lord Minto, Mackintosh, Byron, Mme de Staël, etc. Il faudrait ajouter à cette liste presque toutes les illustrations anglaises et étrangères. Bien plus, avec le temps l’admiration ne fit qu’augmenter. Après les célébrités de la littérature, ce fut une princesse du sang qui désira être présentée à l’illustre auteur. Après les témoignages gaffeurs des journaux, ce fut le gouvernement qui rendit hommage au poète en lui accordant, sous Charles Fox, une pension de 200 livres (5,000 fr.). Je ne dis rien des legs que les Plaisirs de l’Espérance valurent à Campbell, ni des honneurs qu’ils lui procurèrent en Allemagne et dans sa patrie. Bref, au bout de dix ans, et sans avoir rien produit de nouveau, sauf quelques pièces détachées, il était encore maintenu au pinacle par la seule force de son coup d’essai. De son vivant, il avait été transformé en un de ces génies que nul ne se permet de juger.

Que renfermaient donc les Plaisirs de l’Espérance pour produire une pareille sensation ? Au début, quelques vers harmonieux chantent l’éloignement qui donne des charmes, à l’horizon et revêt d’azur les montagnes ; » puis le poète célèbre l’espérance comme la mère de l’activité, le mobile qui pousse le génie à l’accomplissement de sa destinée. Il dit comment elle inspire l’amour et embellit le bonheur domestique. L’idée de l’espérance évoque bientôt celle du progrès. En espérance le poète entrevoit l’avenir des peuples, la civilisation éclairant les sauvages, la liberté brisant les chaînes. Enfin, il nous montre l’espérance consolant le moribond par la promesse d’une autre existence de bonheur. Le genre adopté par le débutant, on le voit, n’avait rien de neuf, loin de là : son œuvre marchait de tout point dans les traces de l’ancienne école. Elle aussi faisait consister le rôle de la poésie à personnifier les explications que la raison se donne des choses, à développer une thèse métaphysique, et, pour développer sa thèse à elle, elle procédait comme l’ancienne école. Au lieu d’imiter la nature qui met sous nos yeux des phénomènes, des effets, et nous laisse la peine d’en deviner la cause, elle s’appliquait à mettre sous nos yeux des causes accomplissant leur besogne. Les idées énoncées par le poète n’avaient d’ailleurs pas grande valeur intellectuelle. « À cette époque, nous dit M. W. Beattie, la révolution française le partage