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nombreuses études. Son but, qu’il atteignit en partie, était de ne laisser de côté aucune des grandes littératures de l’Europe.

En 1821, l’orateur populaire prit la direction du New-Monthly Magazine, qu’il garda jusqu’en 1830. Ses fonctions lui rapportaient 12,500 fr., sans compter le prix de ses articles ; mais elles étaient rudes, et à la fin il y renonça par fatigue après avoir donné une assez grande valeur à ce recueil, surtout dans le principe. Un autre magasine, the.Metropolitan, l’eut également pour éditeur pendant quelque temps. Comme dans le New-Monthly, il y sema d’assez nombreux écrits, peu importans toutefois. Avec son goût pour le monde et avec le tourbillon des littérateurs qui se pressaient autour de lui, il voyait fuir ses journées sans pouvoir s’arrêter à rien, et ce fut seulement, après avoir recouvré sa liberté qu’il composa les trois ou quatre ouvrages qui ferment la liste de ses productions, à savoir la Biographie de miss Siddons, une édition de Shakspeare, les Lettres du Midi (sur l’Algérie) et la Vie de Pétrarque.

Comme prosateur, Campbell possède d’assez grandes qualités. Dans ses biographies et ses Lettres du Midi, il a un style vif, agréable, pittoresque, et il est généralement exact. Ses ouvrages de critique ont encore plus de mérite. Sans doute il n’y montre pas beaucoup de profondeur, il n’est pas un découvreur qui sait décomposer les choses en élémens nouveaux : pour juger un écrivain, il ne l’appréciait guère qu’au point de vue des qualités qui avaient déjà reçu un nom, de l’esprit, du pathétique, du sentiment, de l’imagination ; mais, d’un autre, était savant : il avait mille points de comparaison, et il a montré à un haut degré la faculté de résumer toutes les pièces du procès, de voir son homme de divers côtés, de bien saisir et présenter tous les traits que l’on pouvait distinguer de son point de vue. Si ses critiques n’étendent que peu l’horizon intellectuel, elles n’en sont peut être que plus justes et plus utiles pour conduire à une saine appréciation comme pour faire connaître les œuvres que l’on ne connaissait pas. Ici finit, à proprement parler, la vie de Campbell dans ce qu’elle peut avoir d’intéressant pour nous, sous l’aspect que j’ai voulu considérer. Si abondans qu’aient été les autres épisodes de sa carrière, ils demandent seulement à être rappelés en passant. Je ne ferai donc que mentionner plusieurs changemens de résidence, des excursions et des voyages en France, en Allemagne et en Algérie. Quelque part que le poète allât, il n’était pas seul : sa réputation le précédait pour lui préparer des triomphes. En Écosse, les femmes se mettaient aux fenêtres quand il passait, et, sur les bateaux à vapeur comme dans les lieux publics, on le saluait d’acclamations. Un peu partout, on lui offrait d’enthousiastes banquets. À Paris, en 1814, ce fut Mme de Staël qui le fêta ; à son second voyage en France (1834), ce furent les Polonais qui lui rendirent de brillans honneurs.