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Sara s’unissait de tout son cœur au chagrin de son ami. — Morte ! elle est morte ! s’écriait Nicolas. Morte comme cette autre si belle et plus aimante (Mme Parangon), et tout ce que j’aimais est ainsi dans le tombeau !…

— Et moi, est-ce que je ne t’aimerais pas comme elles ? disait Sara attendrie.

— Quelque temps peut-être ; mais après ?

— Mon ami, ne parle plus ainsi… Songe que je suis impressionnable à l’excès ; ne mets jamais à l’épreuve cette sensibilité qui n’a fait encore que mon supplice.

— Oh ! pardonne, ma fille ! c’est que j’ai beaucoup vécu, beaucoup souffert, et toi…

— Moi, je n’ai que souffert, et je serais plus affectée de ce qui viendrait de ta part que de tout ce qui m’est arrivé.

Ils s’étaient placés dans la salle. On jouait justement la Pupille de Fagan, où Mlle Guéant avait été si ravissante de sentiment et de grace. Nicolas, comme tous les esprits pleins d’orgueil, croyait toujours à quelque fatalité qui, relativement à lui seul, prenait la place du hasard. Il ne pouvait s’empêcher cette fois de trouver la pièce détestable, l’actrice déplaisante ; et ne remarquait pas que, dans la loge voisine de la sienne, il venait d’entrer une très jolie femme qui avait les plus beaux cheveux cendrés (on commençait alors à ne plus porter la poudre), un bel œil sous un sourcil noir, et des manières pleines de distinction. Sara la lui fit remarquer. « Elle est bien, dit-il, mais comme vous êtes plus belle ! » Cette femme, se voyant l’objet de l’admiration de Sara, saisit une occasion pour lui dire quelque chose d’obligeant. Celle-ci répondit avec froideur. Nicolas s’en étonnant, elle lui dit à l’oreille : « Je suis très jalouse. Si j’avais lié conversation avec elle, Tu aurais pu lui parler, et tu as trop de mérite pour ne pas lui plaire… » Nicolas répondit plein de joie : « Mais qui pourrait me plaire à moi, si ce n’est Sara ? »

Après cette soirée délicieuse, la difficulté étant d’affronter la colère de Mme Léeman, Nicolas eut l’idée la plus triomphante en pareil cas ; ce fut d’acheter une paire de pendeloques assez belles chez un bijoutier de la rue de Bussy. La précaution n’était pas inutile, car en rentrant Nicolas et Sara trouvèrent devant la porte l’infortuné Florimond, que la veuve avait mis dehors en le voyant revenir seul. Dégrisé par la scène d’imprécations qu’il avait subie, il se livrait au désespoir. Nicolas affronta bravement l’orage, et parvint à le calmer en faisant briller entre ses doigts sa récente acquisition. Tout rentra donc dans l’ordre habituel.

Cependant la mère était décidée à ne point admettre que l’on prît du plaisir en son absence. — Puisque Sara a besoin de distraction, dit-