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plus difficilement avec les habitudes et le génie de Raphaël. Je sais que la voûte de la Sixtine ne mérite pas ce reproche et que Michel-Ange a traité les premiers chapitres de la Genèse avec une grace, une simplicité que Raphaël n’a jamais surpassée ; mais les Prophètes et les Sibylles suffisent à justifier la remarque précédente. Ainsi, bien que Raphaël ne soit pas l’élève de Léonard, il est permis d’affirmer que Léonard a profondément modifié le style de Raphaël. Il faudrait fermer les yeux pour ne pas voir la parenté qui les unit. Raphaël, malgré l’abondance, malgré la spontanéité de son génie, a dû sentir de bonne heure que le génie sans le secours de l’étude ne tarde pas à trébucher ; il avait vingt ans quand il vint à Florence voir le carton de la Bataille d’Anghiari, et les travaux exécutés à Rome pendant les douze dernières années de sa vie portent la trace de ce voyage.

Quant au Corrége, l’action exercée sur lui est encore plus facile à démontrer. Bien que la grace soit loin assurément de résumer le mérite entier du Corrége, bien que la coupole de Parme et les deux fresques détachées des portes de la même ville qu’on admire aujourd’hui dans la galerie et dans la bibliothèque soient empreintes d’une grandeur incontestable, bien que le Saint Jérôme offre le même caractère, cependant il y a dans les madones du Corrége, dans le regard et le sourire de toutes les femmes, de tous les enfans créés par son pinceau, quelque chose qui rappelle la manière de Léonard. Si le dessin du Corrége n’a pas la simplicité sévère de Léonard, si le style de ses compositions n’est pas d’un goût aussi pur, on ne peut nier toutefois qu’il n’ait profité de ses leçons pour le modelé, pour la distribution de la lumière. Il y aurait de la puérilité à vouloir établir une comparaison entre les œuvres de Léonard et les œuvres du Corrége, à tenter de retrouver le second dans le premier. Il suffit d’indiquer les traits de ressemblance, les signes de filiation ; aller plus loin serait dépasser le but.

J’ai dit pourquoi Léonard est demeuré sans action sur Michel-Ange ; je n’ai pas à y revenir.

Mais ce n’est pas assez, d’avoir marqué la place de Léonard dans l’histoire de la peinture ; il faut chercher dans la vie, dans la destiné de ses ouvrages une moralité, un conseil. À Dieu ne plaise que je veuille lui reprocher le caractère encyclopédique de ses études ! La poursuite de la vérité n’avait pas à ses yeux moins d’importance et de grandeur que le culte de l’art. Quoique la plupart de ses découvertes scientifiques soient demeurées sans influence sur les progrès de l’esprit humain, aujourd’hui qu’elles sont révélées, nous devons lui en tenir compte. Cependant, à ne considérer Léonard que dans le domaine purement esthétique, dans le domaine de la peinture, il me semble qu’il y a une leçon à tirer du petit nombre de ses ouvrages, et surtout de