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toyans entre des minarets d’émail ; les autres, plus modestes, n’ont que des coupoles en briques : aucune n’égale en richesse et en beauté la grande mosquée royale.

Le palais érigé par Châh-Abbas, qui s’élève à côté de la grande mosquée, est une véritable ville. Il y a là plusieurs palais, plusieurs kiosques, un nombre infini d’habitations, les unes près des autres, séparées par des jardins spacieux, et toutes comprises et renfermées dans une enceinte particulière d’une très vaste étendue. Cette demeure somptueuse domine la place du Méïdan de toute la hauteur d’un kiosque ou portique immense, qui a plus de cinquante mètres d’élévation. À la partie supérieure est une galerie aérienne, dont les sveltes colonnes supportent une toiture en bois peint et sculpté. De là le souverain embrassait d’un seul coup d’œil sa capitale entière et tout le territoire environnant, aussi loin que pouvait s’étendre son regard, qui ne s’arrêtait qu’aux gorges du Zendéroud, ou se perdait, plus loin encore, dans le mirage du désert de Yezd.

L’entrée principale du palais est sur la place : c’est une porte de très grandes proportions, dont les montans sont en porphyre et les ventaux en bois de cèdre garni de lames et de clous d’argent. Elle porte le nom d’Alâh-kapi, c’est-à-dire la Porte haute ou la Porte sacrée, de même qu’à Stamboul on dit la Sublime Porte. Quand on a franchi le seuil royal, on ne retrouve plus cette magnificence et cette pompe que le luxe oriental et le faste particulier aux Sophis étalaient jadis dans ce vaste palais. On erre au milieu des ruines, le pied heurte çà et là des débris dorés ou quelques fragmens de porphyre amoncelés sous la poussière des décombres. Parmi les causes qui ont pu amener une telle décadence, il en est une qui, en Orient, a produit partout les mêmes effets : c’est la répulsion qu’éprouvent les Orientaux pour l’habitation de leurs pères. Ils bâtissent pour eux-mêmes, et l’insuffisance de leurs moyens ou le manque d’artistes habiles les obligent souvent à dépouiller les lieux habités par leurs ancêtres pour parer leur nouvelle résidence. Fidèles à cette coutume ou à ce préjugé, les successeurs de Châh-Abbas ont laissé tomber en ruines la plus grande partie de son palais. Moins fastueux que ce prince, ils se sont contentés de demeures moins magnifiques, ou se sont relégués dans quelques-uns des kiosques de cette espèce de ville royale. Cependant, comme pour montrer ce que fut la splendeur de cette cour magnifique des Sophis, il reste encore debout au milieu de ces ruines un palais qu’habita Châh-Abbas-le-Grand. Il est situé au centre de plusieurs jardins qu’on appelle Hecht-Beïcht ou les huit paradis, par allusion aux séjours délicieux qui s’y trouvent. Ce kiosque est composé d’un corps de bâtiment où sont plusieurs petites pièces élégantes, retirées et intimes. Elles communiquent à une salle qui n’a pas moins de trente mètres de long sur six de large