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vous entrevoyez à la fois, au milieu de ces confuses rumeurs, des tapis d’Orient, des armes de l’Inde, un parc d’Europe avec ses ruisseaux et ses bois, et une innombrable armée de statues équestres qui chevauchent autour de vous. Tout vous paraît d’abord rouge et bleu clair ; ces nuances ont été choisies avec beaucoup d’art. Le rouge, cette couleur solide qui orne tout le rez-de-chaussée, sert à la fois de base et de repoussoir aux nuances azurées de la voûte, qui s’enlèvent légèrement et vont s’enfoncer dans le ciel. On n’entrevoit que vaguement la fin de ce dôme, auquel le feuillage finement découpé des arbres ôte toute espèce de raideur architecturale, et donne un caractère incomparable de grandiose élégance ; mais ce n’est pas tout : ce transept immense dont je me désole de ne pouvoir décrire la grandeur, cette entrée sans pareille où vous avez ressenti une première impression qui ressemble à un vertige, ce coup d’œil qui vous a donné, croyez-vous, une idée de l’ensemble, tout cela n’est qu’une préface, et ce que votre imagination entrevoit, si frappée soit-elle, est bien au-dessous de la réalité. Il faut s’avancer jusqu’à la fontaine de cristal dont j’ai parlé, c’est-à-dire jusqu’au centre exact du palais ; alors vous voyez, à droite et à gauche, se déployer à perte de vue les deux véritables galeries de l’exposition qui viennent tomber à angle droit sur le transept : cette vue nouvelle dépasse toute attente. Vous croyiez avoir atteint les limites de l’admiration, et votre admiration redouble ; votre surprise a deux phases bien distinctes : figurez-vous, de part et d’autre, deux échappées ouvertes dans le pays doré des Mille et Une Nuits, deux galeries sans fin, à deux étages, couvertes du haut en bas de tout ce que le génie humain a pu produire de plus parfait, de tout ce que la nature a offert aux hommes de plus merveilleux de Canton au Pérou, et de la Nouvelle-Zélande au Groënland. Imaginez des lieues entières de tapis de toutes couleurs, de cristaux resplendissans, de meubles d’une richesse insensée, de bronzes, de velours, de porcelaines, de soieries, de tissus d’argent et de perles, de bijoux dignes de Cléopâtre, de diamans à défier les mines de Golconde ; tout cela semble jeté à l’aventure dans ce bazar du génie universel : on a réalisé pour vous un des songes qui pouvaient traverser dans un jour de fièvre la cervelle de Sardanapale. Qui n’a pas vu cette exposition ne se doute pas, je le dis hardiment, des richesses de ce monde. Toutes ces merveilles s’étagent dans un palais transparent, soutenu par des colonnettes imperceptibles, et la lumière baigne librement ces pierreries qui chatoient, ces étoffes qui reluisent, ces fontaines qui murmurent, et toute une population de statues qui posent. Au-dessus de la voûte de verre, on a tendu, pour éviter la trop grande ardeur du soleil, des toiles blanches que le vent agite, et qui ressemblent, quand elles frissonnent, à un courant d’eau claire qui passerait sur vos têtes. Grace aux ventilateurs et aux fontaines,