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la netteté de leurs formes, leur orientation par rapport à la belle lanterne octogone qui couronne le transept, ne servent pas moins que leur hauteur à guider les navires qui traversent ces parages dangereux. Indépendamment des services que rend cette métropole à la navigation, elle est un de nos plus beaux monumens gothiques ; le style en est ample et simple : on n’y souhaiterait qu’un peu plus de hauteur de nef. Fondé en 1026 par l’évêque Robert et la comtesse Gonnore, ce monument de la foi de nos pères fut achevé en 1056 par Geoffroy de Monbray, le bon évêque de Coutances. Les chanoines, les barons, les fidèles de tous les rangs, avaient prêté à Robert un concours dévoué, et Geoffroy, lorsqu’il lui succéda en 1048, fit vœu de terminer son œuvre. Il s’y prit à peu près comme le fit à Paris l’abbé de Gergy pour achever l’église de Saint-Sulpice : il vécut des plus dures privations, disent les chroniques du temps, logeant dans un appentis appliqué aux murs de l’église, n’ayant pas même une écurie pour son cheval, mais, de cet humble réduit, il dirigeait les entreprises de Robert Guiscard, souvent même les conseils de Guillaume-le-Conquérant. Les dépouilles envoyées par les douze fils de Tancrède-de-Hauteville furent le principal fonds des constructions qui nous étonnent après huit cents années, et, en reconnaissance de ces dons, Geoffroy fit placer autour de la basilique les statues de Tancrède et de ses fils. Lorsque, chargé d’ans, il sentit venir la mort, il se fit transporter dans la lanterne de l’église, y reçut les sacremens et rendit son ame à Dieu le 4 février 1093, en redisant le cantique de Siméon : Nunc dimittis servum tuum, Domine !

Au recensement de 1826, les populations de l’arrondissement, du canton et de la ville de Coutances étaient de 145,048, de 15,311 et de 9,037 ames ; à celui de 1846 elles n’étaient plus que de 132,857, de 13,859 et de 8,258. Cette décadence d’une de nos plus fertiles contrées s’est manifestée pendant une période où la France entière a gagné 3,555,000 habitans et où, dans le voisinage, les populations de Cherbourg et de Granville sont passées de 17,066 à 26,949 et de 7,212 à 12,191 ames. Le mal vient de loin. En 1698, l’administration faisait remonter au XVe siècle la prospérité commerciale de Coutances, et cette prospérité n’était sans doute elle-même qu’un affaiblissement de la puissance qui, quatre cents ans auparavant, élevait des monumens tels que la cathédrale et donnait des conquérans aux Deux-Siciles. Les chroniqueurs du moyen-âge ne nous ont point appris jusqu’à quel degré les vicissitudes éprouvées par la capitale du Cotentin ont dépendu de l’état hydrographique du havre de Regnéville ; mais la marche des alluvions sur la côte autorise à calculer que le temps où le havre était constamment praticable était aussi celui des prospérités évanouies, et que celles-ci se sont retirées à mesure que l’envasement avançait. Le