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Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 11.djvu/397

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ou celle de sa transformation au XVIe ? On ne nous en dit rien, et nous trouvons pour toute explication, dans quelques lignes où le plan de l’ouvrage est esquissé, que cette Histoire contiendra « la vie des peintres connus des sept grandes écoles. » Franchement, voilà qui n’est pas propre à nous tirer d’embarras. Il est à désirer que, dans la suite de leur travail, les auteurs fassent effort pour s’affranchir de l’éclectisme un peu vague qui se trahit dans les premières pages du livre. Nous ne pouvons aujourd’hui que constater les mérites de détail, l’exactitude des faits particuliers et la justesse des appréciations analytiques. Peut-être y aurait-il moins à louer dans les aperçus généraux ; peut-être certains aphorismes, jetés çà et là au milieu d’une monographie, nécesseraient-ils quelque développement qui en confirmât la vérité esthétique. N’est-ce pas par exemple exagérer, à force de laconisme, le principe de la libre personnalité du génie, que de dire (vie de Jouvenet, page 2) : « Les vrais peintres font leur éducation morale et intellectuelle avec une palette et quelques livres, en conversant avec les hommes et en regardant la nature, » et ne serait-il pas à propos d’ajouter qu’ils regardent aussi les tableaux de leurs prédécesseurs ? Témoin Raphaël, qui consulta toute sa vie les exemples de la peinture ancienne, et ne se fit pas faute d’en profiter largement. Ailleurs, et ceci est plus grave, nous lisons à la suite d’une description de la Leçon d’Anatomie de Rembrandt : « Copier la nature en poursuivant le modelé jusqu’en ses moindres finesses, et lui donner une force aussi extraordinaire, un tel accent, un tel relief, c’est sans doute le dernier mot de l’art. » A Dieu ne plaise que l’art n’ait rien d’autre à nous dire ! M. Charles Blanc, en émettant un peu légèrement cette opinion, oubliait-il qu’il l’avait démentie à l’avance dans son livre sur l’école française au XIXe siècle, et ne songeait-il pas qu’il allait la rétracter implicitement dans plusieurs passages de son Histoire des Peintres ? Les remarquables notices qu’il a écrites sur Ribera et sur ’Valentin semblent dictées par un sentiment tout contraire ; elles témoignent des préférences de l’auteur pour la peinture spiritualiste et de son aversion pour cette théorie funeste de « l’art pour l’art, » contre laquelle on ne saurait, aujourd’hui surtout, s’élever avec trop d’énergie. Il est regrettable seulement qu’après avoir fort nettement condamné la disposition de ces esprits qui ne demandent pas à la matière de penser, qui ne lui demandent que d’être, M. Blanc cite avec éloge quelques paroles où Valentin est présenté comme le peintre « toujours harmonieux et toujours poétique de l’extrême réalité. » Si l’on décore du nom de poésie l’art grossier qui nous montre des bandits se battant après boire, des héros et des héroïnes de mauvais lieux, comment qualifiera-t-on l’art inspiré des grands maîtres ? La première condition de la critique est sans doute l’impartialité, il est de son devoir de démêler et de mettre en relief le bien partout où il se trouve ; mais il est de son devoir aussi de respecter la hiérarchie des genres et des talens, de ne pas promener une admiration invariable sur des productions d’un ordre ou d’un mérite inégal : M. Ch. Blanc, qui, après avoir souffert qu’on appelât Valentin un poète, appelle lui-même Van-Ostade un peintre « profond, » qui dit tout uniment « le grand Sneyders, » comme s’il s’agissait de Poussin ou de tel autre génie, nous semble s’écarter quelquefois d’une loi qu’en beaucoup d’occasions il sait observer aussi fidèlement que personne. Du reste, tout ce qui se rattache à la biographie de chaque artiste est traité par M. Ch. Blanc avec un soin extrême. L’Histoire des Peintres rectifie plus d’une erreur et contient